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Élection du Premier secrétaire ce jeudi : que pèse le Parti socialiste en Bretagne ?
Le premier tour de l’élection du Premier secrétaire du PS se déroule ce jeudi. L’occasion de tenter de mesurer ce que pèse encore la gauche socialiste en Bretagne.
Que pèse aujourd’hui le PS en Bretagne ? 2,2 %, répondront les plus sévères, en rappelant le résultat d’Anne Hidalgo à la dernière présidentielle dans la région. Infiniment plus, nuanceront ceux qui ont la carte politique bretonne en tête. La gauche socialiste peut en effet compter sur trois sénateurs et trois députés.
Elle dirige la région Bretagne, ainsi que deux départements (les Côtes-d’Armor et l’Ille-et-Vilaine). Elle est au pouvoir à Rennes et à Brest. Et si elle a perdu Lorient lors des dernières municipales, elle a reconquis Quimper, Saint-Brieuc et Morlaix (*). Pas si mal pour une force politique qui a été percutée de plein fouet par le big-bang macroniste de 2017.
À l’échelle de la Bretagne, le PS reste une force structurée, même si elle est très dépendante des grandes villes et de ses bastions traditionnels
« À l’échelle de la Bretagne, le PS reste une force structurée, même si elle est très dépendante des grandes villes et de ses bastions traditionnels », observe l’historien François Prigent, auteur d’une thèse sur les réseaux socialistes en Bretagne. Il rappelle toutefois qu’on est loin de l’époque où les Bretons représentaient 10 % du groupe socialiste à l’Assemblée nationale et trustaient les postes ministériels.
C’était au début du quinquennat Hollande, à l’époque du premier gouvernement Ayrault. « La Bretagne était alors au cœur de la gauche socialiste, au même titre que le Sud-Ouest. Depuis, le PS est en reflux et retrouve une forme d’étiage dans la région », analyse François Prigent.
Le grand basculement des années 70
S’il garde malgré tout de solides positions, le PS le doit encore assez largement au grand basculement politique des années 70. Longtemps restée terre de mission pour les socialistes, la Bretagne était alors devenue cette région « en haut à gauche » de la France, selon la formule de Charles Josselin, l’homme qui avait fait tomber dès 1976 le conseil départemental des Côtes-d’Armor (qu’on appelait alors Côtes-du-Nord) dans l’escarcelle du PS breton.
Ce dernier avait réussi à cette époque une efficace synthèse entre socialisme démocratique, république laïque et réseaux catholiques. Parfaitement en phase avec les mutations de la société bretonne, d’où les succès électoraux qui s’étaient enchaînés (des victoires à Rennes, Nantes et Brest lors des municipales de 1977 jusqu’à la conquête du conseil régional par Jean-Yves Le Drian en 2004).
L’enjeu des classes moyennes et populaires
Pour le Parti socialiste, l’un des principaux défis sera précisément de se reconnecter aux classes moyennes et populaires qui ont tendance à lui tourner le dos, notamment dans ces secteurs périurbains où progresse le vote Rassemblement national. Et de redevenir, pour reprendre un tweet posté cette semaine par l’ancienne ministre Marylise Lebranchu, un parti capable de parler « aux Français qui rament, qui ne trouvent plus de services publics, qui sont mal payés ou ont de petites retraites, et ne croient plus en (lui) ».
Sauf que, pour l’instant, le PS paraît surtout empêtré dans des querelles stratégiques, renvoyant l’image d’un parti divisé entre ceux qui voient la Nupes comme la seule planche de salut et ceux qui, à l’instar du maire de Brest François Cuillandre, considèrent cette alliance, née à l’occasion des dernières législatives, comme mortifère pour les socialistes.
Querelles stratégiques
Ces débats ne sont toutefois pas une première. « Dans un système partisan où il n’y a pas une gauche, mais des gauches, ces questions d’union ont toujours été centrales. On peut trouver une forme d’analogie avec l’époque du programme commun, quand les débats internes portaient sur les relations avec le Parti communiste.
Il y avait alors des dissonances entre les anciens de la SFIO et les nouveaux militants », rappelle François Prigent, qui ne voit pas, non plus, comme une franche nouveauté le fait que certains élus socialistes, comme le président de la région Bretagne, Loïg Chesnais-Girard, ou la maire de Rennes, Nathalie Appéré, semblent jouer davantage leur partition personnelle que celle du parti.
« En Bretagne, le socialisme a toujours été l’agrégation de réseaux à bases multiples, et donc aussi à géométrie variable », note l’historien. Sans doute une des clés de son implantation durable dans la région.
(*) Si l’on prend en compte l’ensemble de la Bretagne historique, la gauche socialiste dirige également les villes de Nantes et de Saint-Nazaire, le conseil départemental de Loire-Atlantique et compte deux sénateurs dans ce département.
Martin Vaugoude le 12 janvier 2023
Note:
Le PSU, option bretonne et de gauche « anti-libérale, a disparu, ont le retrouve dans Ensemble
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