29 décembre 2022 ~ 0 Commentaire

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Manque de lits, manque de bras, manque de tout : les services d’urgence de Bretagne saturent

Les épidémies – Covid, grippe, bronchiolite – font que le recours aux urgences a retrouvé un haut niveau partout en France. Dans le Finistère ou en Ille-et-Vilaine, certains services doivent fermer la nuit faute d’effectifs.

Il a suffi d’un week-end pour tout chambouler. Depuis plusieurs semaines, les urgences du centre hospitalier de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor) voyaient déborder leur étroite salle d’attente. Les 9 et 10 décembre, la fréquentation a atteint les 245 patients en une journée. Le personnel a tiré la sonnette d’alarme. « On savait qu’on serait dans le rouge », soupire le docteur Christian Brice, médecin urgentiste.

Afin de récupérer des lits rapidement, le représentant breton de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF) a demandé à sa direction de déprogrammer des opérations courtes de chirurgie ambulatoire. Celles-ci ne requièrent pas d’hébergement et sont réalisées en grande partie par des praticiens libéraux au sein des hôpitaux. Le quadragénaire désabusé déplore : « Sur 39 opérations, deux seulement ont été reportées… Résultat : nous avions pendant ce temps 25 patients malades sur des brancards dans les couloirs, sans aucune intimité. »

Une situation loin d’être unique en France. Et la Bretagne n’est pas une exception.

Depuis début décembre, les annonces alarmistes ­s’enchaînent. A Lorient (Morbihan) et Quimperlé (Finistère), le Groupe hospitalier Bretagne Sud a demandé à la population de se rendre aux urgences « avec une parcimonie extrême », quand l’hôpital de Paimpol (Côtes-d’Armor) a averti sur la saturation du service et a conseillé de privilégier d’autres choix – médecin traitant, maison médicale – avant de venir.

Du côté de Landerneau (Finistère), a été décidée la fermeture toutes les nuits du 23 décembre au 2 janvier, « du fait de l’absence de médecin urgentiste », affirme la direction par voie de communiqué. Scénario identique à Redon (Ille-et-Vilaine), depuis la mi-octobre, pour les mêmes raisons d’effectif resserré. L’agence régionale de santé bretonne n’a pas souhaité commenter toutes ces difficultés.

Manque de tout

Manque de lits, manque de bras, manque de tout. Voilà le portrait brossé par des professionnels du service d’urgences de Saint-Brieuc, qui a interdit les visites des familles et restreint son accès à ceux qui appellent le 15 en amont de leur venue.

« Nous sommes dans un système malveillant et, à force, on devient malveillant sans le vouloir, nous aussi », regrette un jeune médecin depuis la salle de pause. Dans les couloirs, les brancards s’entassent, peu importe les pathologies. Le temps d’attente pour décrocher un lit d’hospitalisation en ce moment ? Plus de vingt-quatre heures, sous les néons et dans le brouhaha permanent.

Sans compter la tension qui règne maintenant entre les praticiens libéraux et leurs homologues du public. Selon Maxence Forestier, aide-soignant et représentant CFDT, « l’hôpital applique une politique budgétaire et, pour rester attractif, il favorise l’activité libérale qui lui rapporte davantage, alors que l’on devrait jouer collectif dans ce genre de moment ».

Le sociologue Pierre-André Juven, chargé de recherche au CNRS et coauteur de La Casse du siècle. A propos des réformes de l’hôpital public (Editions Raisons d’agir), qui est aussi adjoint à la santé à la mairie de Grenoble, rappelle que le Collectif inter-urgences de 2019 avait déjà alerté sur la dégradation des conditions de travail et ­d’accueil, « mais la période Covid a mis en suspens la colère des ­soignants ». Hiver 2022, retour donc à la « normale ».

Les épidémies – Covid, grippe, bronchiolite – abondent et le recours aux urgences a retrouvé un haut niveau. En Bretagne, il a explosé, passant de 552 638 passages en 2000 à 863 727 en 2021, selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees). Le taux d’absentéisme des personnels hospitaliers, au niveau national, atteint 9,9 % au printemps 2022, d’après une enquête de la Fédération hospitalière de France, contre 7,4 % en 2012, et 99 % des établissements connaissent des difficultés à recruter.

Mort d’un septuagénaire dans le couloir de l’hôpital

Alors, au quotidien, il faut trimer, même si le cœur n’y est plus. Christophe (le prénom a été modifié), infirmier au CHU de Rennes et membre du Collectif inter-urgences rennais, raconte une matinée à 28 patients pour sept boxes, et trente-six heures d’attente pour être hospitalisé. Jeanne (qui a souhaité garder l’anonymat), infirmière aux urgences de l’hôpital de Saint-Malo, sort d’une journée éreintante : « J’ai encore récupéré des collègues en larmes. On est obligé de trier les patients et de les entasser dans des coins. »

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Par Manon Boquen

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