sarko (jdd ci)
Au lendemain de la condamnation historique de Nicolas Sarkozy dans l’affaire dite « des écoutes », les réactions politiques. L’ancien chef de l’Etat a été condamné lundi à trois ans d’emprisonnement, dont un ferme, pour corruption et trafic d’influence et a fait appel. Sa famille politique, la droite, « fait bloc derrière l’ancien président », note Le Figaro. Plusieurs ténors de la droite ont fait part de leur « soutien » à Nicolas Sarkozy et ont critiqué un jugement « injuste » et « disproportionné ».
Une « bombe politique »
C’est le cas pour le président du parti Les Républicains, Christian Jacob, pour qui « la sévérité de la peine retenue est disproportionnée et révélatrice de l’acharnement judiciaire d’une institution déjà très contestée ». « Le travail de la justice n’est pas terminé », a affirmé de son côté Renaud Muselier, président LR de la région Sud, sur Twitter.
Mais derrière ces marques d’affection publiques, Le Figaro relate aussi les inquiétudes en coulisses.
« Alors qu’une partie de la droite, toujours en recherche de son ‘candidat naturel’ espérait une relaxe de l’ancien président, comme préalable à un retour avant la prochaine présidentielle, le jugement, lundi, a fait l’effet d’une bombe politique », observe le journal. Un élu LR détaille ses craintes : « Même si Nicolas Sarkozy n’a jamais dit publiquement qu’il voulait revenir, il laissait la porte ouverte, raconte-t-il. Avec une condamnation, même en première instance, ça devient plus compliqué de se présenter devant les Français. »
A droite, l’espoir d’un retour s’amenuise
Il faut dire que l’ancien président apparaissait combatif au cours de son procès, observe Le Parisien. De quoi susciter l’espoir d’un retour chez certains. « Si un ancien conseiller estimait que les procès avaient ‘réveillé l’animal politique’ en lui, la condamnation d’hier permet difficilement d’envisager une embellie concernant son éventuel avenir politique », écrit le journal.
Le quotidien francilien rappelle qu’un autre rendez-vous judiciaire attend Nicolas Sarkozy. Il sera de retour le 17 mars au tribunal, cette fois-ci dans le dossier Bygmalion. « Ce que change cette décision, c’est l’ambiance dans laquelle va débuter le procès Bygmalion, pronostique un sarkozyste. Il l’aurait abordé avec plus de force si son honnêteté avait été reconnue dès maintenant. »
« Tourner la page » ou « remobiliser »
Et maintenant? Comment va réagir la droite? Le Monde décrit des visions divergentes au sein de LR. Il faut « tourner la page Sarkozy », estime un élu. Le quotidien du soir rappelle l’enjeu pour le parti de droite : « A un an de la présidentielle, LR doit se trouver une incarnation pour ses idées. Et un candidat capable de lui faire passer la barre du premier tour, au risque, dans le cas contraire, de tout simplement signer sa fin ».
Mais d’autres à droite pensent au contraire que ce verdict pourrait « remobiliser » cette famille politique autour de Nicolas Sarkozy. Dans Le Monde toujours, le sénateur LR de Paris Pierre Charon assure que l’ancien président est le seul recours pour « mener la droite à la victoire ». « Je reçois des messages de sympathie de tout le monde, tous partis confondus », explique-t-il.
La presse étrangère est plus sceptique quant à l’avenir politique de l’ancien chef de l’Etat. Nicolas Sarkozy « a comblé le vide et est apparu comme une autorité morale et une option possible pour 2022, analyse le politiste Pascal Perrineau dans le New York Times. Sa condamnation, si elle est confirmée, le prive de cette stature. » En Espagne, El Mundo titre sur « la fin de la carrière politique de Nicolas Sarkozy ».
2 mars 2021 Redaction JDD
La condamnation de Sarkozy, une révolution dans une France “monarchique” et élitiste
Quel symbole, dans ce pays centralisé et pyramidal qu’est la France, s’exclame cet éditorialiste allemand, de voir la justice envoyer un ancien président derrière les barreaux – ou presque. Pour lui, le pouvoir et l’élite française ressortent profondément ébranlés de la condamnation de Nicolas Sarkozy.
Nicolas Sarkozy condamné à trois ans de prison, c’est une information qui a fortement interpellé outre-Rhin. Un éditorialiste de la Süddeutsche Zeitung lui trouve même quelque chose de “révolutionnaire” quand on connaît le système politique hexagonal.
Pour s’expliquer, le quotidien de centre gauche dépeint sa vision de la France : un pays au système présidentiel “qui conserve des caractéristiques fondamentalement monarchiques définissant le tempérament politique national : dirigiste, centralisé et, à certains égards, absolutiste”.
Ici, affirme la SZ, la politique “repose sur la personnalité du président de la République, qui doit être à la fois une figure lumineuse et un père attentionné pour ses concitoyens. L’idée que cette conception invite à toutes sortes d’abus, qu’elle repose sur la force de caractère individuelle qui peut donc être corruptible, appartient au contrat implicite que les électeurs passent tous les cinq ans avec leur président-monarque.”
Amour des magouilles
Tous les présidents font l’objet de soupçons, explique le journaliste. Mais dans le cas de Nicolas Sarkozy, “qui aimait à peu près autant les magouilles qu’il redoutait la lumière [sur ces mêmes magouilles]”, ce pacte a franchement raté.
Et c’est ici que l’importance du verdict prend tout son sens. Le fait que l’ancien président soit traité aujourd’hui comme un citoyen ordinaire devant la justice est la preuve, pour le quotidien, que “l’enquête a enfin été menée à l’abri des influences politiques”.
Car si la France est un État de droit, elle est aussi marquée par “une forme de justice parallèle où les juges sont davantage soumis aux injonctions politiques que leurs confrères allemands, ce qui a plus d’une fois fait douter de leur impartialité”.
Et la Süddeutsche Zeitung de conclure :
Cette condamnation donne non seulement des sueurs froides à l’ensemble de la classe politique française, mais elle ébranle aussi l’élitisme et l’absolutisme qui caractérisent l’appareil politique et les rapports de force dans la société en général. Deux ans après l’apparition des ‘gilets jaunes’ et un an avant la prochaine élection présidentielle, la pression monte dans la République.”
02/03/2021