clinton et trump (npa)
Les deux finalistes de Wall Street
Hillary Clinton a réussi reprendre la main pour apparaître comme une candidate crédible en remportant la Californie, gros morceau du dernier « super mardi » des primaires, avec 16 points d’avance.
Elle a tenté de donner une dimension « historique » à sa victoire en se revendiquant fièrement d’être la première femme candidate, pionnière, après 44 présidents masculins. Elle s’est inscrite dans la lignée des suffragettes et du mouvement pour l’égalité des sexes et les droits des minorités. « Ne laissez personne vous dire que l’Amérique n’est pas capable de grandes choses« , a-t-elle déclaré. « Je veux profiter de cette soirée et des prochains jours pour prendre pleinement conscience de l’histoire que nous avons écrite ici » … Il lui faudrait mainte- nant confirmer ce qu’elle qualifie de « victoire historique », celle de la première femme candi- date à la présidentielle américaine. Cela veut dire imposer à Bernie Sanders de la rejoindre.
Sanders continue
Sanders a décidé de poursuivre son combat pour sa « révolution politique » jusqu’à la dernière primaire, mardi prochain à Washington. Peut-être jusqu’à la convention qui désignera officielle- ment Clinton candidate. « Nous allons nous battre durement pour remporter la primaire de Washington » , a-t-il déclaré mardi soir à Santa Monica, en Californie. « Et nous poursuivrons notre combat pour la justice sociale, économique, raciale et environnementale jusqu’à Philadel- phie ! » , là où aura lieu, en juillet, la convention d’investiture du parti démocrate. Sanders veut négocier sa place comme d’ailleurs l’avait fait, en 2008, Hillary Clinton face à Obama.
Cette dernière l’a bien compris, saluant, dans son discours de mardi soir, un « vigoureux débat » qui a été « très bénéfique pour le Parti démocrate et l’Amérique« . Obama devrait jouer la même musique jeudi, quand Bernie Sanders lui rendra visite à la Maison Blanche. Ce dernier a, ceci dit, tenu à souligner que sa priorité était la bataille d’idées et d’empêcher Donald Trump d’être élu président, donc de rallier Hillary Clinton. « Il existe des différences fondamentales quant à l’avenir du pays et du parti », il ne veut pas passer entièrement sous la table dans l’élaboration de la plateforme qu’adoptera le parti lors de la convention.
Non que celle-ci soit déterminante pour la suite, c’est au final Wall Street qui décidera de la politique de Clinton si elle est élue, mais à travers ces discussions se négocient un rapport de forces. Et les 10 millions de voix qu’a recueillies Sanders, en particulier venant de beaucoup de jeunes, compteront, et nombre d’entre eux ne sont pas prêts à rallier Clinton, la candidate de l’establishment et de la finance.
CandidatEs des milliardaires… Le principal atout de Clinton est, au final, Trump lui-même, son arrogance, sa grossièreté, son mépris de femmes, son racisme. Elle en joue : « Cette élec- tion ne ressemblera pas aux bonnes vieilles batailles entre républicains et démocrates », a-t-elle dit. « Cette élection est différente. L’identité de notre pays est en jeu » . Mais il lui faudra répon- dre aux accusations de Trump : « Les Clinton sont devenus maîtres dans l’art de l’enrichisse- ment personnel » , a-t-il affirmé mardi. « Ils ont gagné des centaines de millions de dollars en vendant accès, faveurs et contrats gouvernementaux ». Il ne suffira pas pour ça de dénoncer les « coups de gueule bizarres » de l’homme d’affaires…
Pour l’instant, Hillary Clinton recueille en moyenne 44 % des intentions de vote, contre 42 % pour Donald Trump. Rien n’est joué.
Pour la classe ouvrière, les pauvres ou les minorités ethniques américains, la bataille est ailleurs. Il ne s’agit pas pour eux d’arbitrer les rivalités entre milliardaires et candidatEs des milliardaires qui feront la politique de Wall street. C’est un jeu de dupe. Pour eux, l’avenir dépend de leur capacité à donner un contenu de classe, concret, pratique aux idées défen- dues par Sanders, pour faire du socialisme non pas un slogan électoral sans contenu mais une politique de classe pour exproprier le pouvoir de Wall Street.
Yvan Lemaitre Jeudi 9 juin 2016