La nuit sanglante du 9 novembre 1932 à Genève
Il y a septante et un ans, le parti fasciste local, l’Union nationale de Georges Oltramare, se met en tête de « juger », lors d’une réunion publique, ses adversaires politiques :
les dirigeants socialistes Léon Nicole et Jacques Dicker. La gauche convoque une contre-manifestation. Ce soir-là, l’armée tirera sur la foule, tuant treize personnes et en blessant 65 autres, dans les rangs antifascistes et parmi les curieux. A l’époque, comme partout en Europe, la crise économique sévit, le chômage est important (8 000 chômeurs à Genève), les scandales politiques et financiers nombreux (à l’instar de la faillite de la Banque de Genève), la classe moyenne s’appauvrit et la classe ouvrière connaît la misère.
Appel au meurtre Le 5 novembre 1932 fleurissent sur les murs de la ville des affiches de l’Union nationale annonçant pour le 9 une « mise en accusation publique des sieurs Nicole et Dicker » à la salle communale de Plainpalais. Des tracts les accusent de préparer la guerre civile et concluent : « Abattons-les ! » Le Parti socialiste demande l’interdiction de ce « procès », requête déclinée par les autorités municipales et cantonales. Dès 19h, les rues environnantes du meeting sont bouclées. Quelque 5 000 manifestants affluent. Ils sont empêchés de pénétrer dans la salle communale. A la rue de Carouge, un barrage commence à céder. Des bagarres éclatent, mais la police contient la foule.
Confondant échauffourée et insurrection, le conseiller d’Etat libéral Frédéric Martin demande alors l’intervention de la troupe. La I re Compagnie, des recrues inexpérimentées, se fraie un passage à travers la foule ; quelques soldats sont désarmés, des fusils cassés, des appels à fraterniser lancés. L’or- dre leur est donné de se replier. Les soldats se retrouvent alors dos au mur du Palais des Expositions, encerclés par un certain nombre de manifestants. Personne n’a compris les sommations. Ni ne sait que les balles à blanc ont été remplacées par des balles réelles. A 21 h 34, la troupe ouvre le feu : 150 coups sont tirés en douze secondes. Le premier à être abattu est Henri Fürst, président du Parti communiste genevois. Parmi les treize morts, également des curieux comme ce fraiseur de 54 ans, dont le fils faisait partie des recrues.
« L’ordre est rétabli » Ce fut une tragédie et un immense gâchis. Mais « l’ordre est rétabli », comme l’affirmera le lendemain le président de la Confédération, Giuseppe Motta, en déplacement à Genève. Le jour même, le Conseil d’Etat interdit tout rassemblement sur la voie publique « jusqu’à nouvel ordre » et Léon Nicole est arrêté, puis sera condamné à six mois de prison pour émeute.
samedi 8 novembre 2003, par Christiane Pasteur, Tribune de Genève
http://www.lescommunistes.org/spip.php?article330
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