05 septembre 2013 ~ 0 Commentaire

Les enseignants face au gouvernement : de la sourde colère à la révolte ? (3)

Les enseignants face au gouvernement : de la sourde colère à la révolte ? (3) dans Educ'action education-nationale-echec

La tendance à l’inflation des objectifs assignés à l’institution scolaire tend par ailleurs à dissimuler l’absence de réponses politiques à la crise du capitalisme.

Celui-ci, en accroissant la menace du chômage et de la précarité, renforce indirectement la pression utilitariste sur l’Ecole (élèves et parents devenant de plus en plus soucieux de la rentabilité professionnelle immédiate des études).

Ainsi la question scolaire peut-elle être instrumentalisée en tant que substitut commode à la question sociale, les élites politiques et administratives étant plus promptes à appeler à une « refondation scolaire » qu’à engager une confrontation avec le patronat et la finance pour la défense des intérêts des salariés. Mais l’ambition pompeusement exprimée de « refonder la République par l’école », comme l’écrit Vincent Peillon dans son livre, masque également la faiblesse des solutions apportées à la montée des inégalités sociales devant l’Ecole et aux difficultés contemporaines du métier d’enseignant.

Ainsi de la ségrégation scolaire, dont plusieurs rapports et études – réalisés par l’IGEN18, le Sénat ou des chercheurs indépendants19 – ont montré qu’elle ne se contente pas de refléter la ségrégation spatiale et qu’elle s’est notablement renforcée depuis une dizaine d’années, en lien direct avec les politiques d’ « assouplissement » de la carte scolaire. Or la loi dite de « refondation scolaire », votée à l’Assemblée nationale le 19 mars 2013, reste très floue quant aux moyens de lutter contre la différenciation croissante des publics scolaires qui, en concentrant dans un petit nombre d’établissements les publics qui rencontrent le plus de difficultés scolaires, accroît les inégalités d’apprentissage et rend de plus en plus difficile la tâche des enseignants qui y travaillent.

Sans même parler de l’enseignement privé, qui permet de contourner la carte scolaire et d’éviter ainsi la mixité, la circulaire de rentrée 2013 publiée récemment ne revient même pas sur les « assouplissements » opérés sous la présidence de N. Sarkozy, dont les effets ségrégatifs ont pourtant été largement démontrés.

C’est également à des logiques ségrégatives – et notamment à la sous-dotation de certains territoires – que s’opposent, actuellement en Seine-Saint-Denis (93), des enseignants et des parents d’élèves. Ainsi, près de quinze ans après le mouvement qui avait réussi à obtenir la création de 3000 postes sur trois ans pour le département20, un collectif de parents a vu le jour à l’automne 2012 afin – comme l’affirme l’un des membres – de « faire respecter l’égalité républicaine » en contestant notamment le déficit d’enseignants, qui ne permet pas d’assurer les remplacements21.

S’ils ont été reçus par le ministre et sont parvenus, par leur mobilisation obstinée, à obtenir l’embauche d’une centaine d’enseignants supplémentaires, cette concession leur semble loin du « plan d’urgence » qu’ils revendiquent, tant l’accroissement des effectifs scolarisés – du fait de la structure démographique du département – risque d’absorber très rapidement les embauches promises. Les enseignants ne sont pas en reste puisque les syndicats d’enseignants – notamment la CGT Educ’Action – luttent contre la discrimination territoriale subi par le département, sous la forme d’une sous-dotation structurelle qui supposerait, pour être résorbée, l’embauche immédiate d’une centaine d’enseignants à temps plein dans les seuls lycées professionnels de la Seine-Saint-Denis.

Sans rompre avec le carcan de l’austérité budgétaire et avec l’inféodation des apprentissages scolaires aux logiques de concurrence et de rentabilité, qui engendrent immanquablement inégalités, ségrégation et précarité, il est extrêmement douteux que le gouvernement actuel soit en mesure – ou ait même la volonté réelle – de changer l’Ecole dans un sens favorable aux élèves, à l’égalité et à l’émancipation.

Or il ne fait guère de doute que l’échec en cours contribuera, encore un peu plus, à briser le lien privilégié que les enseignants entretenaient depuis longtemps avec le PS. Si un basculement vers la droite paraît improbable, tant celle-ci a brutalisé la profession de 2002 à 2012 en détériorant les conditions d’exercice du métier et en accroissant les inégalités, un tel échec pourrait aussi bien engendrer une dépolitisation accrue du monde enseignant que susciter un mouvement social capable, de la maternelle à l’Université, de proposer et d’imposer une politique alternative d’émancipation scolaire22.

Pour les notes: http://npa2009.org/node/38523

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