Brest, quand les franquistes tentent de voler un sous-marin rouge (LT)
En 1937, Brest fut au centre d’une affaire d’ampleur internationale. Un commando de franquistes tenta d’y dérober un sous-marin républicain. L’historien Patrick Gourlay vient de ressortir de l’oubli cette incroyable odyssée.
« Les pirates de Franco » – c’est ainsi que les qualifia la presse de l’époque – furent à l’origine de fortes tensions entre gouvernements français et espagnol. Mais ce fait divers serait aujourd’hui resté enfoui sans la perspicacité de l’écrivain Patrick Gourlay, enseignant à Lanmeur, et spécialiste de l’histoire politique contemporaine en Bretagne. « Il y a un an et demi, j’ai été intrigué par quelques lignes dans un livre ancien sur l’histoire de Brest », raconte l’auteur, vite emballé par le sujet et ses multiples rebondissements, mis au jour au fil d’une patiente recherche d’un an et demi. « C’est un suspense digne d’Hitchcock », résume parfaitement Roger Faligot, dans la préface de cette enquête qui aurait d’ailleurs pu s’appeler « Brest, nid d’espions ». On y trouve, en effet, tous les ingrédients qui auraient pu séduire le réalisateur de « Cinquième colonne », « Correspondant 17 » ou « Les enchaînés ».
Une prostituée au coeur de l’affaire Un sous-marin républicain, du nom de C-2, qui tente le fuir les franquistes et se retrouve quai Malbert à Brest, le 29 août 1937, après une avarie moteur. Un commando, monté sur ordres de Franco lui-même, et dirigé par l’un des chefs des services secrets, qui tente de s’en emparer pour le faire revenir en Espagne. À leurs côtés, des Français de l’extrême-droite, dont des membres de la sinistre « Cagoule ». Par l’intermédiaire d’une prostituée, officiant dans un célèbre cabaret brestois, le commandant du sous-marin retournera sa veste, s’arrangeant pour octroyer un maximum de permissions à son équipage, le jour prévu pour l’attaque. Un assaut qui se soldera par un échec total, les Franquistes ayant été infiltrés par des Républicains espagnols, aidés par des communistes et des anarchistes français. Il y eut des coups de feu, des morts, un rebondissement de dernière minute et l’opération se solda par un échec. Hitchcock aurait sans doute fait mourir son « méchant », pourquoi pas en le faisant chuter du haut du Monument américain du cours Dajot. Mais dans la vraie vie, ce chef de commando prit la fuite « caché dans le coffre de la voiture de l’ambassadeur d’Argentine », raconte Patrick Gourlay, avant de se faire pincer lors d’un bref retour en France « pour tenter de libérer son chauffeur ».
L’espion qui aimait le foot Au terme de deux jours de procès, en correctionnelle, en mars 1938, au tribunal de Brest, les principaux protagonistes ne seront condamnés que pour détention et port d’armes de guerre. Ils s’en tireront avec des peines couvrant leur détention provisoire, provoquant l’indignation du monde syndical. Le chef du commando fera reparler de lui quelques années plus tard, mais dans un tout autre domaine. En 1939, il devint président de la Fédération espagnole de football puis, dans les années 50, vice-président du Real Madrid.
« Nuit franquiste sur Brest », édité par Coop Breizh, est en vente au prix de 12,50 €.