12 juin 2013 ~ 0 Commentaire

République et luttes de classes (Essf-Tean)

République et luttes de classes (Essf-Tean) dans Histoire 14-07-12-drapeau-rouge-contre-drapeau-tricolore

L’histoire des rapports entre le mouvement ouvrier et la République est tumultueuse. Ils se sont rencontrés, mêlés mais aussi opposés et combattus.

En France après le renversement de la monarchie

Il y a bien entendu, plusieurs définitions de la « République ». En France, elle est liée à la révolution de 1789, au renversement de la monarchie, et aux idéaux « d’égalité, de fraternité et de liberté ». C’est la « chose publique », un système politique représentant les citoyens, se présentant comme défendant l’intérêt général, et s’incarnant dans un gouvernement, des institutions et un Etat. Mais elle a aussi constitué depuis plus de deux siècles, avec des inter- ruptions, la forme politique de la domination des classes dominantes, de construction de l’Etat bourgeois. Cette double dimension a conduit les révo- lutionnaires, non pas à défendre, en tout temps et tout lieu, la « République », mais à définir leur politique en fonction de chaque conjoncture historique et de la dynamique que peut avoir ce mot d’ordre.

La Révolution française de 1789 a eu une portée universelle. La république lui est historiquement liée. Durant des décennies, ces idées ont soulevé l’enthousiasme des peuples du monde. Elles ont incarné les droits politiques et civiques, mais moins les droits sociaux au travail, à l’éducation, à l’exis-tence. Plus, malgré des luttes acharnées, en particulier celle de Robespierre, le droit d’existence n’a pu prévaloir sur le droit de propriété. C’était là, comme le dit Daniel Bensaïd, « l’originelle fêlure, la mortelle blessure, l’intime défaillance des droits de l’homme et du citoyen, le défaut de fabrication » [1]. Son histoire est aussi marquée par des « exclusives » : le suffrage censitaire, qui prive du droit de vote les classes populaires, celles qui ne paient pas l’impôt, le maintien de l’esclavage des peuples colonisés jusqu’en 1848, où il est aboli par la deuxième République, et le refus du vote pour les femmes jusqu’en 1946 ! Clémenceau voulait « qu’on prenne la révolution française comme un bloc ». On nous présente aussi la République comme un bloc. Ses origines comme son histoire prouvent que ce bloc n’est pas compact, ni homogène : les poussées républicaines-révolutionnaires de 1789, 1793, de février1848, ne peuvent être confondues avec Thermidor et les massacres de Juin 1848, tout cela au nom de la République ! Dans d’autres pays, comme aux Etats-Unis d’Amérique, la République n’a pas la portée subversive, antimonarchique, qu’elle a en France. En Turquie, la République de Mustapha Kemal est ultra laïque, mais pas démocratique. De même, nombre de dictatures en Amérique latine se sont parées des habits de la république. La république comme, d’autres formes politiques, exige donc l’analyse concrète d’une situation concrète.

République « tout court » ou république sociale?

La référence à la République a aussi servi de point de ralliement aux mouvements populaires, non seulement en France, mais aussi dans d’autres pays d’Europe. De grands soulèvements révolutionnaires contre la monarchie, le racisme ou la dictature ont été marqués du sceau républicain. Les journées de 1793, de 1830, de 1848, l’expérience fondatrice de la Commune de Paris en 1871, les mobilisations antifascistes en 1934-1936, en France ou en 1936-1939 en Espagne contre Franco, la résistance contre l’occupant nazi en 1940-44… Autant de guerres et de crises révolutionnaires où le ressort républicain a combiné les aspirations à la souveraineté populaire, aux libertés démocratiques et à l’égalité sociale. C’est dans ce sens, que dès 1905, Lénine considérait la république démocratique comme « l’ultime forme de la domination bourgeoise et comme la forme la plus appropriée à la lutte du prolétariat contre la bourgeoisie. » [2]

Mais la « République » confond, aussi, les aspirations démocratiques et les institutions qui forment l’Etat bourgeois, et peut s’avérer un terrible piège pour le mouvement ouvrier. La révolution de 1848 a incarné la rupture entre deux conceptions de la république. En février 1848, les insurgés parisiens combattent au nom de la « république sociale » et du « droit du travail ». En juin 1848, les ouvriers parisiens sont massacrés, tou- jours au nom de la « république », celle de la « république des propriétaires ». La bourgeoisie se sert de la forme politico-étatique de la république pour écraser le mouvement ouvrier. Marx en tire les leçons : « La bourgeoisie n’a pas de roi, la forme de son règne est la République ». Comme l’indique Daniel Bensaïd dans une contribution sur la Commune, l’Etat et la Révolution : « Dans sa forme achevée, la République constitutionnelle réalise la coalition d’intérêts du parti de l’ordre. Il n’y aura plus désormais de République tout court. Elle sera sociale ou ne sera qu’une caricature d’elle-même, le masque d’une nouvelle oppression ».

La référence à la « République, tout court » sera, plus tard, le terrain de toute la politique d’Union sacrée qui réunit les représentants des classes dominantes et ceux du mouvement ouvrier réformiste. C’est au nom de la République et de la civilisation qu’ont été poursuivies les expéditions coloniales contre les peuples d’Afrique du Nord, d’Afrique noire et d’Indochine. C’est au nom de la République qu’a été conduite une politique de répression et d’assimilation forcée de ces peuples. Et les « valeurs républicaines » n’ont pas évité à la France la vague de nationalisme et de racisme qui a submergé l’Europe à partir de la fin du XIXe siècle. C’est en son nom que les écoles républicaines ont préparé les consciences à la « revanche » contre l’Allemagne. C’est en son nom que se déchaînent les boucheries de la Première Guerre mondiale.

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