Municipales : le PCF repousse ses arbitrages à l’automne (LM)
Le Parti communiste a ouvert la porte des municipales pour la refermer aussitôt.
A quelques jours d’un conseil national sur le sujet, samedi 25 et dimanche 26 mai, la direction du parti a décidé de repousser la question des alliances. « L’heure est à amplifier les rassemblements locaux pour mener une politique de rupture avec l’austérité », explique Pierre Laurent, secrétaire national du PCF. « Nous ne sommes pas dans le temps des alliances mais dans celui du projet, complète Pascal Savoldelli, chargé des élections. Cette question viendra en son temps : il faudra faire un choix qui interviendra à l’automne. »
Officiellement, les communistes souhaitent se concentrer sur le fond – logement, emploi, services publics, démocratie locale –
avant de s’attaquer à la constitution des listes. Mais le calendrier se révèle compliqué à gérer pour le PCF, qui espère bien mobiliser à la rentrée contre la réforme des retraites envisagée par le gouvernement. Autre difficulté : dans certaines villes, les stratégies locales sont déjà arrêtées ou sur le point de l’être. A Paris, les communistes doivent ainsi définir leur feuille de route – union avec le PS ou autonomie au premier tour – lors d’un vote des militants les 29 et 30 juin. Une décision qui pourrait être repoussée. « Je ne crois pas que cela pourra se faire en juin, juge M. Savoldelli. Il faut aller à la rencontre de dizaines de milliers de Parisiens. » « En faisant ce choix, les communistes ne veulent pas laisser quatre mois d’espace politique à Mélenchon qui va faire le tam-tam sur l’autonomie », analyse un cadre socialiste. Le Parti de gauche a en effet déjà défini sa stratégie. Les yeux rivés sur les européennes, le parti de Jean-Luc Mélenchon, qui a peu d’élus municipaux sortants, prône « l’autonomie conquérante » – comprendre l’indépendance vis-à-vis du PS.
ENJEU FINANCIER
Pour les communistes, la situation est bien différente. L’enjeu est aussi bien électoral que financier. Sur les quelque 9 200 élus que compte le parti, plus de 8 800 sont des élus municipaux. Autant de cadres qui reversent leurs indemnités au parti. En 2011, selon les chiffres de la Commission nationale des com- ptes de campagne et des financements politiques, 46 % des revenus du PCF, soit plus de 14 millions d’euros, provenaient de ses élus. Place du Colonel-Fabien, on continue à appeler au « rassemblement le plus large possible à gauche », PS compris. Sans les socialistes, il sera difficile au PCF de reconduire ses sortants. Pour David Cormand, chargé des élections à EELV, leur décision est un signal envoyé au PS. « Plus on attend, plus on va vers l’union, juge-t-il. Quand on veut faire des listes autonomes, il faut s’y prendre en amont pour préparer la stratégie, les candidats… » D’ailleurs, rue de Solférino, on ne semble pas mécontent de ce choix. « Le fait que nos partenaires décident à l’automne ne nous dérange pas, au contraire, c’est notre calendrier », se félicite Christophe Borgel, chargé des élections au PS.
Samedi 1er juin, Jean-Luc Mélenchon devait défiler à Toulouse pour une des « répliques » de la marche du 5 mai organisées dans plusieurs villes de France ce week-end. Au même moment, le PCF toulousain ouvrait les portes de sa Fête de L’Humanité locale. Pas rancuniers, les communistes avaient tout de même prévu de participer à la manifestation « pour une VIe République et pour une alternative à l’austérité ». La « coïncidence » illustre le fossé qui sépare le PCF toulousain de son allié local du Parti de gauche (PG). A un an des municipales, entre les deux partenaires du Front de gauche, les relations sont à couteaux tirés. Pour un dirigeant socialiste, le choix de M. Mélenchon de se rendre dans la capitale de la région Midi-Pyrénées ne doit d’ailleurs « rien au hasard » : « Il est surtout là pour soutenir ses amis. »
Après la théorie, le Front de gauche doit passer à la pratique.
Le cas toulousain est emblématique des difficultés qui attendent le PCF et le PG dans plusieurs villes. Ainsi au Capitole, les communistes, avec huit élus sortants, laissent planer le suspens jusqu’à l’automne sur leurs intentions. Pour beaucoup, l’issue ne fait pourtant guère de doute : ils devraient rempiler avec le maire sortant socialiste, Pierre Cohen. « Les communistes sont déjà en pyjama pour se coucher plus vite », plaisante-t-on au sein de la majorité municipale. « Le bilan est plutôt bon, mais nous pensons que nous pouvons faire mieux avec une régie publique de l’eau et le développement des services publics », explique de son côté Pierre Lacaze, secrétaire départemental PCF de la Haute-Garonne et conseiller municipal, qui continue d’appeler au « rassemblement le plus large possible à gauche ». Le PG fait entendre un autre son de cloche, en défendant l’autonomie vis-à-vis des socialistes. « Il faut créer un rapport de force », plaide Jean-Christophe Sellin, son porte-parole à Toulouse. Ce dernier a d’autant moins de scrupules à s’affranchir du PS qu’il s’est vu retirer sa délégation d’adjoint aux musiques pour s’être abstenu en décembre sur le volet recettes du budget 2013. Une position qui le démarque des communistes. « Ils n’ont pas refusé le préalable sur l’austérité, attaque le conseiller municipal. Il peut y avoir des discours anti-austérité, mais ce qui compte, ce sont les actes. » M. Lacaze, lui, n’hésite pas à critiquer le choix de l’autonomie du PG, qu’il qualifie de « posture politique gauchiste fermée et étroite ».
« LES RELATIONS SONT TRÈS DISTENDUES »
Une bonne ambiance qui ne date pas d’hier : le porte-parole du PG s’est fait débarquer à l’été 2012 du groupe Communiste, républicain et citoyen à la mairie, et les deux partis ont fêté séparément les 15,91 % de M. Mélenchon au soir du premier tour de la présidentielle. « Les relations sont très distendues pour une raison simple : la direction départementale du PCF a une vision du Front de gauche à géométrie variable », tacle M. Sellin. Du choix des deux partenaires dépendra aussi un éventuel accord avec les écologistes qui devraient choisir en juin l’autonomie vis-à-vis du PS au premier tour. « Ce n’est pas pareil de discuter avec le PCF et le PG, ils ne pèsent pas la même chose », souligne Gérard Onesta, conseiller régional Europe Ecologie-Les Verts en Midi-Pyrénées. Si les deux alliés partent en ordre dispersé se posera aussi la question de l’étiquette. Quelle liste pourra se revendiquer du Front de gauche ? A l’heure actuelle, les deux camps ne semblent pas prêts au compromis. Dans ce contexte, la présence de M. Mélenchon, député européen de la circonscription du sud-ouest, ne pouvait que raviver les tensions. Pour M. Sellin, il est venu « réaffirmer que le Front de gauche est l’artisan d’un débouché aux politiques d’austérité et conforter tous ceux qui sont pour l’autonomie du Front de gauche ». « Ce sont les Toulousains qui décideront de ce qui se passe à Toulouse », prévient M. Lacaze. La campagne ne fait que commencer.
BESSE DESMOULIERE Raphaëlle * LE MONDE | 01.06.2013 à 10h12.