Afrique du Sud, « Annus horribilis » dans les mines de platine
« La menace d’une grève à Anglo American Platinum (Amplats) plane toujours », titrait le site d’information sud-africain Daily Maverick. Les mineurs avaient menacé la direction de se remettre en grève à l’appel des syndicats. En debut de semaine, la direction avait annoncé la suppression de 6 000 emplois dans la ceinture de platine au nord-ouest du pays. Finalement, les mineurs étaient toujours au travail, ce vendredi 17 mai. A quelques kilomètres de là, dans les environs de Rustenburg, leurs collègues de Marikana, retournaient, eux aussi, sous terre, après deux jours de grève sauvage. La situation semble être retournée à la normale. Mais jusqu’à quand? Après les violents mouvements sociaux de l’année dernière dans le secteur qui avaient fait 34 morts en août à Marikana, le Daily Maverick rappelle que « les mineurs d’Amplats ont repris le travail en janvier avec la promesse de pouvoir négocier une hausse de salaires. Ils ont été accueilli avec une autre nouvelle : la suppression de 14 000 emplois ». L’annonce avait déclenché une levée de bouclier des syndicats et de l’ANC (African National Congress), le parti au pouvoir. Amplats avait finalement reculé, mais « après consultation avec le gouvernement, la compagnie est revenue avec un nouveau chiffre : 6 000 licenciements sont prévus ».
Les trois-quarts de sa valeur perdus
Vendredi matin, le quotiden économique Business Day rappelait la terrible crise que traverse le secteur du platine. « Jeudi, le cours des actions d’Amplats ont chuté à leur plus bas niveau depuis huit ans, et se vendent désormais pour 286 rands (24 euros). Il y a cinq ans, elles valaient 1480 rands (123 euros). En plein âge d’or, la compagnie était estimée à 330 milliards de Rands (27 milliards d’euros). Aujourd’hui, elle ne vaut plus que 77 milliards (6,4 milliards d’euros). » Et lorsque le secteur minier est en crise, c’est toute l’Afrique du Sud, ce poids lourd dans l’extraction mondiale de platine et d’or, qui tremble. Le Business Day cite Edna Molewa, ministre des Eaux et de l’Environnement, qui a appelé tous les mineurs au calme : « Nous sommes inquiets que ces nouveaux troubles sociaux n’affectent pas seulement Marikana, pas seulement la ceinture de platine, mais le pays entier, d’un point de vue économique et sur les marchés. » Le cours du Rand ne cesse de s’effondrer. La situation, dans la province du nord-ouest, est explosive. L’hebdomadaire de référence le Mail and Guardian consacre un long dossier en une sur les rivalités qui opposent les syndicats, responsables selon eux des troubles sociaux. « A Marikana : le NUM (National Union of Mineworkers) et Amcu (Association of Mineworkers and Construction Union) recrutent leurs adhérents, un pistolet sur la tempe », titrait l’hebdomadaire. Mawethu Steven, leader d’Amcu, nouveau syndicat majoritaire, a été abattu le week-end dernier, alors qu’il portait un T-shirt à l’effigie de son organisation.
Des anciennes terres confisquées
Bloomberg rapporte aussi que le massacre de Marikana a déclenché une vague de suicides chez les mineurs. Le 5 mai, l’un d’eux a été retrouvé pendu sur la colline où il avait manifesté l’année dernière et assisté à la tuerie de ses collègues par la police sud-africaine. Sept autres se sont données la mort depuis le mois de janvier. Selon Bloomberg, les mineurs croulent sous les dettes après ces longs mois de grève, et restent traumatisés par cette période douloureuse. David van Wyk, directeur de la Fondation Bench Marks, qui évalue la bonne gouvernance des compagnies minières, estime que « rien n’a été résolu. Tout peut exploser à nouveau. » Enfin, le Business Day rappelle qu’ »une autre bombe à retardement menace l’industrie de platine » : « Plusieurs mines, en particuliers celle d’Amplats, sont situées sur des terres confisquées pendant la période coloniale et d’apartheid. Leurs anciens propriétaires réclament aujourd’hui des compensations. » Alors que l’Afrique du Sud célèbre cette année le triste centenaire du « Land Act », une loi votée en 1913 pour confisquer les terres à la population noire du pays, le Business Day note que toutes « ces frustrations pourraient précipiter l’industrie de platine dans une crise supplémentaire. » La crise économique mondiale frappe de plein fouet une Afrique du Sud en pleine transformation politique et sociale, vingt ans après la fin de l’apartheid.