Nouveau Parti Anticapitaliste 29

Npa29 Expression des comités Npa: Pays Bigouden, Brest, Carhaix-Kreiz Breizh, Châteaulin, Presqu'île de Crozon, Morlaix, Quimper, et Quimperlé. Seuls les articles signés "Npa" engagent le parti.

10 mars 2025 ~ 0 Commentaire

8 Mars Femmes

brest

« Nous ne nous laisserons pas faire » : à Brest, 2 500 personnes réunies pour la journée internationale des droits des femmes

2 500 personnes au bas mot pour la manifestation pour l’égalité du droit des femmes, à la faveur de la journée du 8-Mars. À Brest, entre discours de combat et ambiance de fête, la mobilisation a tenu ses promesses ce samedi.

Il est 15 h sur la place de Strasbourg, en haut de la ville de Brest, ce samedi 8 mars 2025. Peu à peu, la foule s’agrège à l’appel des différentes organisations, pour une manif’ en faveur de l’égalité hommes femmes. Le petit rassemblement grossit à vue d’œil alors que les mascottes des manifs contre les retraites retournent d’active. La chorale du Maquis et les Femmes solidaires font monter la température sur des tubes pas si vieux et qui retrouvent une actualité en cette journée internationale du droit des femmes.

Steven Le Roy 08 mars 2025

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10 mars 2025 ~ 0 Commentaire

JLM (Le Télégramme)

Jean-Luc Mélenchon participera à un meeting contre le racisme le mercredi 19 mars 2025 à Brest.
Jean-Luc Mélenchon participera à un meeting contre le racisme le mercredi 19 mars 2025 à Brest. (Photo d’archives EPA-EFE/Ludovic Marin)

Jean-Luc Mélenchon sera en meeting contre le racisme et l’extrême droite

Le mercredi 19 mars 2025, le fondateur de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, sera de passage à Brest à l’occasion d’un meeting « contre le racisme et l’extrême droite », annoncé notamment par Pierre-Yves Cadalen lors du marché de Saint-Louis, dimanche 9 mars. « Soyons-y en nombre ! », ajoute le député de Brest centre dans une publication sur le réseau social X.

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08 mars 2025 ~ 0 Commentaire

Riche Proie (LO)

kiev

Une riche proie à dépecer

En exigeant que l’Ukraine cède aux États-Unis un droit exclusif sur les ressources et les infrastructures du pays, pour un montant de 500 milliards de dollars, Trump a formulé crûment ce qui était un des enjeux de la guerre : le partage des richesses de l’Ukraine entre capitalistes américains et oligarques russes.

Ces richesses sont multiples. Il y a les centaines de milliers d’hectares de terres agricoles très fertiles, les « terres noires », qui faisaient de l’Ukraine, avant 2022, le quatrième pays exportateur agricole au monde.

La guerre a accéléré la prise de contrôle de ces terres par une poignée d’agro-holdings, dirigés par des oligarques ukrainiens mais contrôlés par des capitaux occidentaux, américains comme Goldman Sachs ou européens comme la BNP.

La guerre a permis à Zelensky de faire voter une loi autorisant des sociétés à capitaux étrangers d’acquérir ces terres, ce que la loi héritée de la période soviétique interdisait et que les dirigeants ukrainiens successifs, depuis l’éclatement de l’Union soviétique, n’avaient jamais réussi à imposer avant 2024.

Le sous-sol ukrainien regorge de minerais indispensables aux filières industrielles contemporaines, les télécommunications ou les batteries électriques, comme le titane, le lithium ou encore certains métaux appelés « terres rares », particulièrement convoités.

L’Ukraine possède de l’uranium, indispensable aux centrales nucléaires. L’enjeu des négociations en cours, avec un revolver tenu par Trump sur la tempe ukrainienne, ce sont les conditions financières et juridiques dans lesquelles des capitalistes américains vont pouvoir exploiter, et peut-être posséder, les mines et les usines pour extraire, traiter ou raffiner ces minerais.

Et les négociations avancent : le 25 février, la vice- Première ministre ukrainienne affirmait que « les équipes ukrainienne et américaine sont en phase finale des négociations concernant l’accord sur les minéraux », sans en donner la teneur.

Le contrôle de l’économie ukrainienne prend de multiples autres formes. Ainsi la société américaine Westinghouse a déjà mis la main sur le secteur nucléaire, pilier de la production électrique en Ukraine.

De son côté, le Crédit agricole Ukraine, qui appartient au même groupe que la banque française LCL, est devenu copropriétaire du principal fournisseur de télécommunications fixes et du troisième opérateur de téléphonie mobile du pays.

En 2024, elle a été élue meilleure banque du pays pour les prêts automobiles. Et elle n’est pas le plus puissant des prédateurs occidentaux à avoir jeté son dévolu sur l’économie ukrainienne. Outre les banques, d’autres capitalistes, à l’image du géant de la distribution Auchan, sont très présents en Ukraine… mais aussi en Russie.

En négociant en tête-à-tête avec Poutine, Trump et son équipe font d’une pierre deux coups. Ils écartent de la mangeoire ukrainienne les capitalistes des pays européens, ou ne leur laissent que les morceaux de second choix. Et ils se placent aux premières loges pour reprendre leurs affaires en Russie, entravées par la guerre mais qui n’ont jamais cessé.

En déclarant le 23 février : « Nous sommes prêts à attirer des partenaires étrangers dans les territoires historiques qui ont été restitués à la Russie, (…) nous sommes prêts à travailler avec nos partenaires, y compris américains, dans les nouvelles régions », Poutine a été explicite.

Après trois ans de guerre, des centaines de milliers de morts russes et ukrainiens, un fossé de haine creusé entre deux peuples frères, les bureaucrates, les oligarques et les capitalistes se pressent autour de la riche proie ukrainienne.

Xavier Lachau   26/02/2025

08 mars 2025 ~ 0 Commentaire

Quimper (NPA)

Lors de la manifestation du 8 mars 2024.

Lors de la manifestation du 8 mars 2024. (Archives Le Télégramme/Olivier Scaglia)

À Quimper, le NPA appelle à rejoindre la grande marche du 8 mars

La Journée internationale des droits des femmes aura lieu ce samedi 8 mars 2025. À cette occasion, une grande marche sera organisée par des syndicats et associations féministes du collectif Nous Toutes. Le rendez-vous est fixé à 15 h, place Saint-Corentin. Un moment « convivial et festif », soulignent les organisateurs, auquel le NPA de Cornouaille appelle aujourd’hui à participer.

« Le 8 mars, faisons grève du travail productif et reproductif. Rassemblons-nous et mobilisons-nous pour nos droits, pour l’égalité réelle », écrit le Nouveau parti anticapitaliste dans un communiqué, adressé ce mercredi 5 mars 2025. Lui, qui appelle à « améliorer nos conditions de vie et de travail ; lutter contre les violences sexistes et sexuelles ; lutter contre l’extrême droite qui est un danger pour toutes les femmes et les minorités de genre ; lutter en solidarité avec les femmes du monde entier ».

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Plusieurs rassemblements organisés en Bretagne pour la journée internationale des droits des femmes


De Saint-Brieuc à Vannes en passant par Rennes, de nombreuses manifestations sont prévues en ce 8 mars 2025 (image d’archive) © Radio France – Valentin Belleville

Des rassemblements et manifestations sont organisés en Bretagne ce samedi 8 mars 2025, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes.

Pancartes, slogans, chansons… des milliers de personnes descendent dans la rue ce samedi 8 mars partout en France à l’occasion de la journée international des droits des femmes. En Bretagne, plusieurs rassemblements et manifestations sont prévues toute la journée

Des rassemblements à Vannes, Saint-Brieuc, Rennes…

À Saint-Brieuc, une manifestation est organisée en début d’après-midi. Le cortège partira à 14h de place du Guesclin. À Rennes, une Zone d’Occupation Féministe (ZOF) se tiendra sur le mail François-Mitterrand de 11 h à 15 h avant une manifestation dans le centre ville.

Du côté de Saint Malo, un rassemblement se tiendra au Jardin des Douves, au pied du château de 14 h à 18 h. Une déambulation est prévue dans l’Intra-Muros, de 15 h à 16 h. Enfin, à Vannes, un village associatif va s’installer sur l’esplanade du port Simone-Veil de 10 h à 18 h. Des déambulations sont prévues ensuite de 14h à 16h.

Charlotte Schuhmacher; samedi 8 mars 2025

07 mars 2025 ~ 0 Commentaire

Scientifiques

 

Les scientifiques debout contre l'obscurantisme, aux États-Unis comme en France

Les scientifiques debout contre l’obscurantisme, aux États-Unis comme en France

En réaction aux attaques de Donald Trump contre la science, des chercheurs du monde entier manifestent le 7 mars. Un mouvement d’ampleur pour bâtir une science loin des « régimes totalitaires ».

Les scientifiques contre-attaquent. Vendredi 7 mars, une marche pour défendre la science est organisée à Washington et dans des dizaines de villes aux États-Unis, par le mouvement Stand Up for Science (Debout pour les sciences). Celle-ci est relayée dans de nombreux pays, dont la France.

L’initiative est une réaction à la brutale offensive contre la recherche lancée par l’administration Trump depuis le 20 janvier et son investiture à la présidence des États-Unis. Coupes budgétaires et licenciements massifs dans les institutions et laboratoires de recherche, suppression de données scientifiques, censure et filtre idéologique des financements… La violence de l’attaque a pris de court la communauté des chercheurs.

« Il y a eu un moment de sidération aux États-Unis, témoigne Olivier Berné, astrophysicien au CNRS et co-initiateur en France de la mobilisation Debout pour les sciences. Mes collègues là-bas n’osent plus s’exprimer, ils ont peur, ils ne s’attendaient pas à être attaqués à ce point-là. »

Nommer la menace totalitaire

Les multiples mobilisations prévues le 7 mars doivent permettre de dépasser ce marasme. « Des chercheurs s’organisent au niveau fédéral et à l’international, de manière spontanée et populaire. Ce mouvement est le premier et le seul grand mouvement de contestation aujourd’hui aux États-Unis », dit Olivier Berné.

Le premier objectif est de mettre des mots sur le basculement en cours. « Obscurantisme », « mise en application littérale et affolante de la dystopie orwellienne », « attaques d’une ampleur inédite depuis la Seconde Guerre mondiale », disent les divers textes de collectifs de scientifiques.

« C’est du négationnisme scientifique d’extrême droite »

« On vit un moment illibéral, avec des méthodes faisant penser à des régimes totalitaires. Même si l’on n’a pas envie de sortir ce mot tout de suite, il faut attendre de voir la réaction des contre-pouvoirs, des États fédérés, de la justice, des mobilisations dans la rue », commente Emmanuelle Perez Tisserant, historienne spécialiste des États-Unis, également initiatrice de la mobilisation en France. Et d’ajouter : « Mais lorsque Trump menace de couper les financements aux universités qui autoriseraient des manifestations, cela fait clairement penser à de l’autoritarisme, voire à du fascisme. »

Toutes les sciences ne sont pas logées à la même enseigne : les sciences sociales, les travaux sur les discriminations ou sur le genre notamment, et les sciences de l’environnement, climat et biodiversité en tête, sont les cibles privilégiées.

Lire aussi : « Femme », « climat »… Trump interdit des mots dans les articles scientifiques

« Ils cherchent à museler ou supprimer les sciences les plus critiques : celles qui alertent sur les inégalités sociales ou l’urgence écologique, et montrent qu’un changement radical de société est nécessaire », dit Odin Marc, chercheur en sciences de la Terre au CNRS, membre de Scientifiques en rébellion et du collectif scientifique toulousain Atécopol, les deux organisations soutenant la mobilisation. Il affirme : « C’est du négationnisme scientifique d’extrême droite et une dynamique de criminalisation des lanceurs d’alerte, scientifiques et au-delà. »

L’Europe sur la même pente glissante

L’appel aux chercheurs et aux citoyens à descendre massivement dans la rue vise aussi à alerter sur l’ampleur des conséquences de ces attaques contre la recherche, et à leurs répercussions mondiales. Sur le climat, par exemple, les études et les données étasuniennes sont cruciales pour la recherche mondiale, via notamment les observations de la Nasa ou le travail de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA).

Or, cette dernière vient d’être victime d’une vague de licenciements massifs, tandis que Katherine Calvin, scientifique en chef de la Nasa, a été interdite de participer à une réunion du Giec, dont elle est coprésidente d’un groupe de travail.

« Les données produites par les États-Unis sont étudiées dans le monde entier. Leur suppression ou restriction d’accès serait catastrophique. Cela montre notre très forte dépendance aux États-Unis et le besoin de repenser une forme d’autosuffisance dans la production des savoirs en Europe », dit Olivier Berné.

Ce qui suppose, a fortiori, que l’Europe ne suive pas le chemin des États-Unis. C’est l’autre signal d’alarme lancé par les chercheurs : « Ce qui se joue aujourd’hui aux États-Unis pourrait bien préfigurer ce qui nous attend si nous ne réagissons pas à temps », écrivent des scientifiques dans une tribune au Monde, qui appellent à rejoindre la mobilisation du 7 mars.

Les attaques frontales contre la science, et celles politiques et médiatiques, se multiplient aussi chez nous, en reprenant la rhétorique trumpiste : face à une crise, casser le thermomètre (ou les scientifiques) plutôt que de remettre en cause le modèle dominant. En France, sur l’écologie, le gouvernement comme l’extrême droite s’en sont pris brutalement ces derniers mois aux institutions scientifiques ou aux agences relayant les messages de la recherche.

Une mécanique délétère qui vise toute tentative de discours divergeant. « On le voit encore avec la décision de justice d’annulation du chantier de l’A69 [entre Toulouse et Castres]. Plusieurs journalistes ou élus s’en sont pris aux juges ou à la rapporteuse publique avec la même stratégie que Trump : décrédibiliser toute parole qui n’est pas la leur, quitte à inonder le débat de contre-vérités », souligne Odin Marc.

Bâtir une science ni fasciste ni capitaliste

La menace est aussi plus insidieuse. Elle passe par les politiques de destruction des moyens publics de la recherche depuis des décennies. « On sous-finance depuis vingt ans l’université. Des postes disparaissent chaque année au CNRS et il y a de moins en moins de financements par étudiant. Ce désengagement de l’État de la production de connaissances, c’est l’autre versant de cette pente glissante dans laquelle nous sommes engagés », prévient Olivier Berné.

Le collectif Scientifiques en rébellion dénonce également la multiplication des partenariats public-privé, les financements par projet au cas par cas, l’application d’une politique sélective « darwinienne » dans la recherche selon les performances des équipes, qui privilégie les gros projets et une science utilitariste, au service de l’industrie. En 2024, un rapport publié par un groupe de chercheurs alertait sur l’emprise croissante des intérêts privés sur la recherche publique en France. L’époque étant aux cures d’austérité drastiques, cette dynamique pourrait encore s’accélérer.

« Réclamer la liberté académique n’a pas de sens si on ne lui donne pas de budget. Sinon, la recherche est obligée de se lier à des intérêts privés. Il faut protéger la science du politique, en sécurisant son budget et en inventant des mécanismes pour qu’elle soit davantage en phase avec les besoins de la société », plaide Odin Marc.

Conventions citoyennes, forums citoyens et autres modalités d’interaction font partie des pistes avancées par Scientifiques en rébellion pour associer la société civile aux orientations de la recherche. « Protéger la science passe aussi pour nous par une critique de ses dérives actuelles. Il faut un vrai renouveau des relations entre science et société, pour que la production de connaissances soit vraiment au service de la démocratie et des nécessaires transitions écologique et sociétale », dit le chercheur.

Ce lien avec les citoyens est d’autant plus urgent à consolider face à la vague trumpiste. « Ce qui m’inquiète le plus, c’est qu’un certain nombre de nos concitoyens ne conçoivent pas les libertés académiques comme un bien à défendre, relève Emmanuelle Perez Tisserant. Un discours populiste qui gagne du terrain considère la recherche publique comme un repère de privilégiés. Il faut mieux défendre et formuler notre vision d’une science comme bien commun, comme savoir critique qui échappe à l’injonction de rentabilité économique. Sinon, ce sera toujours trop facile de couper les financements. »

07 mars 2025 ~ 0 Commentaire

Scientifiques ( Reporterre)

 

Les scientifiques debout contre l'obscurantisme, aux États-Unis comme en France

Les scientifiques debout contre l’obscurantisme, aux États-Unis comme en France

En réaction aux attaques de Donald Trump contre la science, des chercheurs du monde entier manifestent le 7 mars. Un mouvement d’ampleur pour bâtir une science loin des « régimes totalitaires ».

Les scientifiques contre-attaquent. Vendredi 7 mars, une marche pour défendre la science est organisée à Washington et dans des dizaines de villes aux États-Unis, par le mouvement Stand Up for Science (Debout pour les sciences). Celle-ci est relayée dans de nombreux pays, dont la France.

L’initiative est une réaction à la brutale offensive contre la recherche lancée par l’administration Trump depuis le 20 janvier et son investiture à la présidence des États-Unis. Coupes budgétaires et licenciements massifs dans les institutions et laboratoires de recherche, suppression de données scientifiques, censure et filtre idéologique des financements… La violence de l’attaque a pris de court la communauté des chercheurs.

« Il y a eu un moment de sidération aux États-Unis, témoigne Olivier Berné, astrophysicien au CNRS et co-initiateur en France de la mobilisation Debout pour les sciences. Mes collègues là-bas n’osent plus s’exprimer, ils ont peur, ils ne s’attendaient pas à être attaqués à ce point-là. »

Nommer la menace totalitaire

Les multiples mobilisations prévues le 7 mars doivent permettre de dépasser ce marasme. « Des chercheurs s’organisent au niveau fédéral et à l’international, de manière spontanée et populaire. Ce mouvement est le premier et le seul grand mouvement de contestation aujourd’hui aux États-Unis », dit Olivier Berné.

Le premier objectif est de mettre des mots sur le basculement en cours. « Obscurantisme », « mise en application littérale et affolante de la dystopie orwellienne », « attaques d’une ampleur inédite depuis la Seconde Guerre mondiale », disent les divers textes de collectifs de scientifiques.

« C’est du négationnisme scientifique d’extrême droite »

« On vit un moment illibéral, avec des méthodes faisant penser à des régimes totalitaires. Même si l’on n’a pas envie de sortir ce mot tout de suite, il faut attendre de voir la réaction des contre-pouvoirs, des États fédérés, de la justice, des mobilisations dans la rue », commente Emmanuelle Perez Tisserant, historienne spécialiste des États-Unis, également initiatrice de la mobilisation en France. Et d’ajouter : « Mais lorsque Trump menace de couper les financements aux universités qui autoriseraient des manifestations, cela fait clairement penser à de l’autoritarisme, voire à du fascisme. »

Toutes les sciences ne sont pas logées à la même enseigne : les sciences sociales, les travaux sur les discriminations ou sur le genre notamment, et les sciences de l’environnement, climat et biodiversité en tête, sont les cibles privilégiées.

« Ils cherchent à museler ou supprimer les sciences les plus critiques : celles qui alertent sur les inégalités sociales ou l’urgence écologique, et montrent qu’un changement radical de société est nécessaire », dit Odin Marc, chercheur en sciences de la Terre au CNRS, membre de Scientifiques en rébellion et du collectif scientifique toulousain Atécopol, les deux organisations soutenant la mobilisation. Il affirme : « C’est du négationnisme scientifique d’extrême droite et une dynamique de criminalisation des lanceurs d’alerte, scientifiques et au-delà. »

L’Europe sur la même pente glissante

L’appel aux chercheurs et aux citoyens à descendre massivement dans la rue vise aussi à alerter sur l’ampleur des conséquences de ces attaques contre la recherche, et à leurs répercussions mondiales. Sur le climat, par exemple, les études et les données étasuniennes sont cruciales pour la recherche mondiale, via notamment les observations de la Nasa ou le travail de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA).

Or, cette dernière vient d’être victime d’une vague de licenciements massifs, tandis que Katherine Calvin, scientifique en chef de la Nasa, a été interdite de participer à une réunion du Giec, dont elle est coprésidente d’un groupe de travail.

« Les données produites par les États-Unis sont étudiées dans le monde entier. Leur suppression ou restriction d’accès serait catastrophique. Cela montre notre très forte dépendance aux États-Unis et le besoin de repenser une forme d’autosuffisance dans la production des savoirs en Europe », dit Olivier Berné.

Ce qui suppose, a fortiori, que l’Europe ne suive pas le chemin des États-Unis. C’est l’autre signal d’alarme lancé par les chercheurs : « Ce qui se joue aujourd’hui aux États-Unis pourrait bien préfigurer ce qui nous attend si nous ne réagissons pas à temps », écrivent des scientifiques dans une tribune au Monde, qui appellent à rejoindre la mobilisation du 7 mars.

Les attaques frontales contre la science, et celles politiques et médiatiques, se multiplient aussi chez nous, en reprenant la rhétorique trumpiste : face à une crise, casser le thermomètre (ou les scientifiques) plutôt que de remettre en cause le modèle dominant. En France, sur l’écologie, le gouvernement comme l’extrême droite s’en sont pris brutalement ces derniers mois aux institutions scientifiques ou aux agences relayant les messages de la recherche.

Une mécanique délétère qui vise toute tentative de discours divergeant. « On le voit encore avec la décision de justice d’annulation du chantier de l’A69 [entre Toulouse et Castres]. Plusieurs journalistes ou élus s’en sont pris aux juges ou à la rapporteuse publique avec la même stratégie que Trump : décrédibiliser toute parole qui n’est pas la leur, quitte à inonder le débat de contre-vérités », souligne Odin Marc.

Bâtir une science ni fasciste ni capitaliste

La menace est aussi plus insidieuse. Elle passe par les politiques de destruction des moyens publics de la recherche depuis des décennies. « On sous-finance depuis vingt ans l’université. Des postes disparaissent chaque année au CNRS et il y a de moins en moins de financements par étudiant. Ce désengagement de l’État de la production de connaissances, c’est l’autre versant de cette pente glissante dans laquelle nous sommes engagés », prévient Olivier Berné.

Le collectif Scientifiques en rébellion dénonce également la multiplication des partenariats public-privé, les financements par projet au cas par cas, l’application d’une politique sélective « darwinienne » dans la recherche selon les performances des équipes, qui privilégie les gros projets et une science utilitariste, au service de l’industrie. En 2024, un rapport publié par un groupe de chercheurs alertait sur l’emprise croissante des intérêts privés sur la recherche publique en France. L’époque étant aux cures d’austérité drastiques, cette dynamique pourrait encore s’accélérer.

« Réclamer la liberté académique n’a pas de sens si on ne lui donne pas de budget. Sinon, la recherche est obligée de se lier à des intérêts privés. Il faut protéger la science du politique, en sécurisant son budget et en inventant des mécanismes pour qu’elle soit davantage en phase avec les besoins de la société », plaide Odin Marc.

Conventions citoyennes, forums citoyens et autres modalités d’interaction font partie des pistes avancées par Scientifiques en rébellion pour associer la société civile aux orientations de la recherche. « Protéger la science passe aussi pour nous par une critique de ses dérives actuelles. Il faut un vrai renouveau des relations entre science et société, pour que la production de connaissances soit vraiment au service de la démocratie et des nécessaires transitions écologique et sociétale », dit le chercheur.

Ce lien avec les citoyens est d’autant plus urgent à consolider face à la vague trumpiste. « Ce qui m’inquiète le plus, c’est qu’un certain nombre de nos concitoyens ne conçoivent pas les libertés académiques comme un bien à défendre, relève Emmanuelle Perez Tisserant. Un discours populiste qui gagne du terrain considère la recherche publique comme un repère de privilégiés. Il faut mieux défendre et formuler notre vision d’une science comme bien commun, comme savoir critique qui échappe à l’injonction de rentabilité économique. Sinon, ce sera toujours trop facile de couper les financements. »

Lire aussi :

« Femme », « climat »… Trump interdit des mots dans les articles scientifiques

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07 mars 2025 ~ 0 Commentaire

Féminicides ( Basta)

Une manifestation des femmes avec des pancartes "Stop féminicides"
Manifestation du 8 mars 2020 à Paris. CC BY 2.0 Deed Jeanne Menjoulet 

Contre les féminicides : un combat mondial

À travers la planète, des hommes tuent des femmes et des filles parce qu’elles sont femmes et filles. Le féminicide est un phénomène mondial. De la Colombie à la Grande Bretagne, des médias disent « ça suffit » et appellent les autorités à agir.

Portrait de Rachel Knaebel
L’édito international de Rachek Knaebel. Pour découvrir notre revue de presse « Chez les indés – International », inscrivez-vous ici.

Le 8 mars, c’est la journée internationale des droits des femmes. Mais c’est tous les jours que des femmes et des filles sont victimes de féminicides. En France, en 2023, il y a eu 93 féminicides et 319 tentatives recensées. Et 135 féminicides en 2024. Mais le phénomène est, évidemment, mondial, et alerte les médias.

« Entre janvier et décembre 2024, 886 femmes ont été victimes de féminicides en Colombie, selon l’Observatoire colombien des féminicides. C’est l’année avec le plus grand nombre de cas depuis 2018 », lorsqu’un registre réalisé par la société civile a commencé, signale la revue féministe latino-américaine Volcánicas. « Les autorités colombiennes ont signalé que 44 de ces féminicides concernaient des filles », ajoute la média. Ce qui « nécessite des mesures institutionnelles urgentes pour garantir leur vie », pointe la revue.

Filles et adolescentes en danger en colombie

« La nuit du 18 janvier, la Plaza de la Libertad de Chiquinquirá, Boyacá (un département de Colombie), était remplie de ballons et de bougies blanches. Des chants demandent que justice soit faite après la disparition d’une jeune fille », rapporte le site dans un reportage. Il s’agit en de Laura Valentina Páez Velandia, 9 ans.
Elle a disparu le 16 janvier, « au milieu d’une promenade de routine ». Son corps a été découverte cinq jours plus tard. Un homme a été mis en cause et arrêté.

Autonomie mise à mal

Certaines régions du pays sont plus touchées que d’autres par ces meurtres, qui ont des effets sur toute la société. « Ces cas de féminicides représentent également une violence symbolique à l’égard d’autres filles et adolescentes, qui voient leur autonomie mise à mal lorsque leurs amies, leurs voisines ou des filles et adolescentes du même âge qu’elles se font assassiner », dit Natalia Escobar, de l’Observatoire colombien pour l’égalité des femmes.

« La violence contre les filles, les adolescentes et les femmes continue d’augmenter et les mesures institutionnelles pour la prévenir font toujours défaut », accuse aussi Volcánicas. Le cas de l’Argentine donne raison à la revue. Là, le gouvernement du président Milei a annoncé « qu’il abrogerait le crime de féminicide du code pénal, ce qui constitue un revers majeur dans la lutte contre la violence fondée sur le genre », notait une chercheuse dans la revue The Conversation fin janvier.

Des autorités qui prennent ces morts au sérieux devraient déjà enquêter précisément sur le phénomène. Et pendant des années, les données ont manqué. Le quotidien britannique The Guardian révèle ainsi cette semainequ’au Royaume Uni, près d’une femme sur dix décédée aux mains d’un homme au cours des 15 dernières années « était une mère tuée par son fils ».

Des mères tuées par leurs fils

C’est ce que montre un rapport publié début mars par une organisation de la société civile : « Les données analysant la mort de 2000 femmes tuées par des hommes depuis 2009 ont donné un aperçu sans précédent du fléau caché qu’est le matricide, avec plus de 170 mères tuées par leurs fils. »

Le rapport conclut que la mauvaise santé mentale a joué un rôle dans 58% des cas de matricide. Selon Karen Ingala Smith, cofondatrice du groupe Femicide Census, les femmes sont souvent amenées à « payer le prix » des échecs de l’État, les fils en souffrance psychique n’ayant pas été pris en charge par le système de santé et social.

« La violence masculine à l’encontre des mères est une réalité largement méconnue mais brutale, dit elle. Ce que nous voyons dans ces chiffres n’est que la partie émergée de l’iceberg. Il s’agit des femmes qui ont été tuées, mais il y a bien d’autres victimes cachées qui vivent leur vie dans la détresse la plus totale. »

Les gouvernements doivent agir

Les chiffres analysés par l’organisation britannique montrent par ailleurs que sur l’ensemble des 2000 cas de féminicides étudiés, « 90 % des meurtriers sont des membres de la famille, des partenaires ou des connaissances de la victime, tandis que 61 % des femmes ont été tuées par un partenaire actuel ou ancien. Environ 80 % des meurtres ont été commis au domicile de la victime ou de l’auteur. 61% des femmes ont été tuées par un partenaire actuel ou ancien, 9% des femmes ont été tuées par leur fils, 6% par d’autres membres de la famille, 15% par d’autres hommes qu’elles connaissaient et 10% par quelqu’un qu’elles ne connaissaient pas. »

Les nouvelles statistiques sur les cas de mères tués par leurs fils « ont conduit à des appels au gouvernement pour qu’il prenne des mesures spécifiques afin de lutter contre le matricide, et d’apporter un soutien aux victimes », écrit The Guardian. Le gouvernement du Royaume-Uni, et les autres à travers le monde, entendront-ils enfin ces appels ?

7 mars 2025 Rachel Knaebel

https://basta.media/

07 mars 2025 ~ 0 Commentaire

Vague Féministe (NPA)

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Face à l’internationale d’extrême droite : que reste-t-il de la quatrième vague féministe ?

L’extrême droite est à l’offensive à l’échelle mondiale et les mouvements – et conquêtes – féministes sont l’une de ses cibles. Que peuvent ces mouvements face à la vague néo-réactionnaire portée par Trump, Milei et consorts ? Quelle stratégie adopter ? Aurore Koechlin propose une série de réponses en commençant par un bilan de ce qu’on a pu appeler la quatrième vague féministe.

***

Il y a dix ans, en 2015, naissait le mouvement Ni Una Menos en Argentine, suite à une série de féminicides, dont celui de Chiara Páez. Les manifestations massives qui déclaraient « pas une femme de moins », constituaient le premier acte d’une mobilisation féministe internationale, qui allait bientôt embraser l’Amérique latine, puis le monde avec Me Too. La lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS) devenait le centre de ce qu’on peut appeler « la quatrième vague du féminisme ».

Dans de nombreux pays d’Amérique latine, comme l’Argentine, le Mexique, ou la Colombie, ces luttes se sont traduites par des victoires, avec l’obtention par la mobilisation de la légalisation de l’avortement. Dix ans après pourtant, le tableau semble plus sombre. En Argentine comme aux États-Unis, l’extrême droite, via Milei et Trump, a pris le pouvoir. Leurs politiques s’attaquent directement aux luttes et aux acquis féministes et LGBTI+ de la décennie précédente. Tant et si bien qu’il semble légitime, en ce 8 mars 2025, de s’interroger : que reste-t-il de la quatrième vague féministe ?

Différentes réponses politiques à la crise de la reproduction sociale

La montée, puis la prise de pouvoir, par le fascisme dans les années 1920 et 1930 est classiquement interprétée comme une réponse à la force du mouvement ouvrier, et au risque d’une révolution imminente. Plus précisément, la crise politique ouverte par la crise économique de 1929 ne parvenait à être réglée ni par le maintien au pouvoir de la bourgeoisie, ni par la prise de pouvoir du prolétariat. Le fascisme est alors apparu comme une réponse crédible à une bourgeoisie en pleine crise d’hégémonie.

Elle faisait en quelque sorte d’une pierre deux coups : conserver son pouvoir économique via un gouvernement qui défendrait ses intérêts, et écraser toute contestation par la destruction physique du mouvement ouvrier. Cette corrélation entre montée de l’extrême droite et force du mouvement ouvrier est précisément ce qui a poussé ces dernières années une partie de l’extrême gauche à minimiser le danger de l’extrême droite : la bourgeoisie parvenant malgré tout à imposer ses contre-réformes libérales, l’extrême droite n’aurait pas été une réelle alternative aux yeux des classes dominantes. À tort malheureusement, comme l’évolution de la situation l’a montré.

Dans cette perspective, on pourrait alors relire la montée de l’extrême droite à l’échelle internationale dans les années 2010 et 2020 comme une réponse à la force non moins internationale du mouvement féministe et LGBTI+ : c’est par exemple l’analyse que propose Veronica Gago[1]. Le mouvement féministe aurait en quelque sorte pris la place d’un mouvement ouvrier affaibli, notamment en mettant en son centre l’arme de la grève féministe comme réponse aux attaques néolibérales et patriarcales contemporaines. Et de fait, l’extrême droite développe un discours très élaboré sur le genre et les sexualités, et apparaît comme cristallisant une forme de backlash contre la quatrième vague féministe.

Il est symptomatique que Milei arrive au pouvoir dans un des pays où le mouvement féministe a été le plus fort ces dernières années, l’Argentine. Dès son accession au pouvoir, Trump a immédiatement promu un ensemble de décrets anti-trans, transférant les femmes trans emprisonnées dans des prisons pour hommes, déremboursant les transitions pour les mineur·e·s, interdisant aux personnes trans le service militaire et les compétitions sportives, ou encore faisant annuler les passeports des personnes non binaires.

L’actrice Hunter Schafer, connue pour son interprétation dans la série Euphoria, a dénoncé récemment sur les réseaux sociaux que suite à son renouvellement de passeport, on lui a imposé la lettre « M », alors que son genre à l’état civil avait été changé depuis qu’elle était adolescente. Trump a également interdit l’usage par son administration ou par les recherches scientifiques financées par l’État de certains mots, désormais interdits – comme « genre », « femme », « LGBT », « race », ou encore « changement climatique ».

Mais la montée de l’extrême droite n’est pas d’abord une réponse à la force du mouvement féministe : si ces deux phénomènes sont effectivement corrélés, c’est qu’ils sont le produit d’un tiers facteur, la crise du capitalisme et de sa dernière mue néolibérale, crise qui est tant économique et sociale que sanitaire et écologique. Or, dans cette crise multiforme, la question du genre est centrale. En effet, un des aspects que revêt la crise du capitalisme néolibéral n’est autre que la crise de la reproduction sociale, également appelée « crise du care ».

Qu’entend-on par-là ? Le capitalisme est depuis toujours pris dans une contradiction indépassable entre sa recherche effrénée d’accumulation de la sur-valeur, produite par la force de travail, et la nécessité dans laquelle il se trouve de reproduire cette dernière, donc d’assigner une partie de la force de travail non à la production de la sur-valeur mais à la reproduction de la force de travail elle-même (historiquement, cette assignation a surtout été celle des femmes, des populations immigrées et aujourd’hui racisées). Nancy Fraser a bien montré comment à chaque époque du capitalisme, ce dernier est parvenu à résoudre cette contradiction de façon différente, mais toujours imparfaite[2].

Aujourd’hui, à un capitalisme néolibéral correspond une gestion néolibérale de la reproduction sociale. Celle-ci connaît alors un double mouvement. D’un côté, la prise en charge de la reproduction sociale par les services publics est remise en cause (baisse des financements, manque d’effectifs, fermetures, etc.) pour que se développe au contraire sa marchandisation. De l’autre, la reproduction sociale revient de plus en plus à la charge des femmes de façon gratuite et invisibilisée dans le cadre familial. C’est ce que souligne Nancy Fraser :

« Dans un contexte d’inégalités sociales croissantes, cela aboutit à une reproduction sociale à deux vitesses : utilisée comme marchandise pour celleux qui peuvent en payer le prix, restant à charge de celleux qui n’en ont pas les moyens »[3].

Si bien que la prise en charge de la contradiction passe par un dépassement de celle-ci, en faisant en partie au moins du travail reproductif un travail productif de sur-valeur sur le marché. Mais ce dépassement se fait au prix de la reproduction sociale elle-même : un certain nombre de travailleur·se·s ne parviennent plus à assurer leur propre reproduction sociale. C’est pourquoi on peut parler de crise de la reproduction sociale.

Or, ces évolutions ne se font pas sans une réponse du mouvement féministe et LGBTI+. La quatrième vague du féminisme, en soulignant combien la famille est le lieu de production de violences, combien la construction de deux genres uniques et opposés sert en définitive à la renforcer, remet en question cette structure comme unité économique de la société. Elle défend au contraire une autre prise en charge de la reproduction sociale, par sa socialisation, tout au contraire de ce que fait le néolibéralisme. La quatrième vague féministe propose ainsi de sortir de la crise de la reproduction sociale par le développement des services publics, mais aussi leur extension, par exemple par la mise en place de crèches et de cantines collectives dans les entreprises et dans les lieux de vie.

L’extrême droite propose une résolution bien différente à cette crise de la reproduction sociale, et en tout point opposée. De la même façon que dans le champ de la production elle propose un néolibéralisme autoritaire et identitaire, elle propose dans le champ de la reproduction sociale une version encore plus autoritaire et identitaire de ce qui existe déjà. Il va s’agir de poursuivre la destruction des services publics et leur mise sur le marché de façon accélérée, tout en en préservant une fraction de la population, du moins c’est ce qu’elle promet en discours.

Félicien Faury a effectivement montré que le RN défendait une forme de « protectionnisme reproductif » pour les classes moyennes blanches, ce qui pourrait d’ailleurs constituer une des raisons explicatives du vote des femmes pour le RN en France[4]. L’accès à ce qui reste de services publics ne serait ainsi assuré que pour les populations blanches. Mais au-delà, l’extrême droite propose une autre voie d’issue à la crise de la reproduction sociale, et qu’elle assume très largement – le retour des femmes au foyer, dont les trad wives sont la manifestation la plus spectaculaire sur les réseaux sociaux.

C’est pourquoi la production idéologique d’un discours réactionnaire et transphobe n’a pas uniquement pour but d’écraser les avancées de la nouvelle vague féministe, ni d’instrumentaliser ces thématiques dans un but électoral autour de « paniques morales » construites de toute pièce, même si ces deux dimensions sont évidemment importantes. Elle est aussi parfaitement en adéquation avec une vision du monde congruente entre la sphère de la production et la sphère de la reproduction.

La famille doit reprendre toute sa dimension économique, elle doit redevenir le lieu central de la reproduction sociale : pour ce faire, il faut une idéologie qui le justifie et qui réaffirme cette fiction qu’est la famille hétérosexuelle monogame composée d’un « homme » et d’une « femme », avec une division clairement genrée du travail.

Féminisme ou barbarie : une polarisation accrue

Regarder une telle situation en face a de quoi inquiéter. D’un certain côté, les années 2010 où nous connaissions un incroyable élan de mobilisations nationales – avec les mobilisations contre la Loi travail, celles des étudiant·e·s et des cheminot·e·s, ou encore celle des Gilets jaunes – et internationales – qu’on pense à Black Lives Matter ou à Me Too – semblent bien lointaines. Cette situation n’est pas effacée bien sûr, et nous devons nous rappeler qu’en France, la plus grande mobilisation de ces dernières années, celle contre la réforme des retraites, a eu lieu il y a seulement deux ans. Mais il est indéniable que la situation a évolué : il est difficile aujourd’hui de ne pas tenir compte dans l’équation politique du danger que représente cette internationale d’extrême droite qui s’est développée, qui gouverne dans de nombreux pays, et qui en menace d’autres.

Néanmoins, la montée de l’extrême droite ne met pas fin à la quatrième vague féministe. La particularité de la situation est que les deux ont lieu simultanément. En France, le mouvement Me Too continue de se développer dans toutes les sphères de la société : le procès Mazan en est une fois de plus la preuve, et avec l’affaire Bétharram, pose enfin à une échelle de masse la question de l’inceste et de l’oppression spécifique des enfants. Aux États-Unis, suite à la révocation de l’arrêt Roe vs Wade, une véritable mobilisation numérique s’est déployée sur Tik Tok afin de permettre aux femmes souhaitant avorter et ne pouvant plus le faire d’être hébergées dans un autre État, voire un autre pays, comme le Canada[5].

En Argentine, une manifestation massive a eu lieu le 1er février dernier pour répondre aux propos anti-féministes et anti-LGBTI+ de Milei. La situation est donc avant tout caractérisée par une très forte polarisation. Cette polarisation trouve d’ailleurs une expression dans certaines enquêtes scientifiques. Il y a quelques mois, Le Monde titrait « Les jeunes femmes sont de plus en plus progressistes, tandis que les hommes du même âge penchent du côté conservateur »[6] : ce constat effectué par plusieurs études concerne les jeunes générations, et a lieu simultanément à l’échelle internationale, puisqu’il se retrouve tout aussi bien en Europe, aux États-Unis, qu’en Corée du Sud, en Chine ou en Tunisie.

En France, le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (HCE) ne dit pas autre chose dans son dernier rapport de janvier 2025, intitulé significativement « À l’heure de la polarisation » : surtout chez les jeunes, les femmes sont plus féministes, et les hommes sont plus masculinistes[7].Dans un tel contexte de polarisation croissante, et de force de la quatrième vague féministe à l’échelle internationale, le mouvement féministe doit prendre la mesure de toutes ses responsabilités dans la lutte contre l’extrême droite.

Dans les pays où il est le plus fort, il doit être force d’impulsion pour des réponses unitaires contre l’extrême droite – manifestations, constitution de collectifs unitaires pour organiser la riposte, grèves féministes contre l’extrême droite. Dans les pays où il est plus faible, la question se pose un peu différemment. C’est le cas de la France, dont la particularité est double : d’une part, le mouvement social y est très fort, d’autre part, la quatrième vague ne s’y est pas développée autant que dans d’autres pays, y compris d’Europe (par exemple l’État espagnol, l’Italie, la Belgique ou la Suisse). Cela implique trois choses.

Premièrement, le mouvement féministe ne doit pas tomber dans le piège sectaire d’un repli sur lui-même à une heure où il peut se sentir très minoritaire. Cette tentation est toujours présente, elle peut l’être d’autant plus dans une période où le risque de démoralisation est fort. Parce que le mouvement féministe a le sentiment que son action politique ne parvient pas à influencer la société, il se tourne sur lui-même, sur ses débats internes, sur le niveau de responsabilité dans la situation de chaque collectif, pire, sur le degré de pureté militante de chacun·e de ses membres.

Quel groupe, quel·le individu a dit, a fait telle chose problématique ? Et dans une période au climat dégradé, on ajoute de la peur à la peur. Rien de plus démobilisateur. Nous devons nous le répéter une fois pour toute : nos pratiques et nos discours ne seront jamais « parfaits » tant que nous vivrons dans une société qui demeure inchangée par ailleurs. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas les politiser, mais cela veut dire qu’il est absurde de les moraliser.

Ensuite, le mouvement féministe doit réussir à se détacher au moins partiellement des critiques qui le créditent de tous les maux de la terre, et qui ne peuvent tout simplement là encore que mener à l’inaction. Les risques de récupération par l’État, le fait que les fractions les plus dotées du mouvement (en termes de race et de classe) soient celles qui soient le plus mises en avant, son caractère situé, etc., n’est pas le propre du mouvement féministe, il concerne tous les mouvements sociaux : que chacun·e balaye devant sa porte. Pourquoi n’interroge-t-on que le mouvement féministe ? Je vous laisse deviner la réponse.

Cela ne veut bien sûr pas dire qu’il ne faille pas œuvrer à améliorer cet état de fait, c’est une certitude. Mais cela ne doit pas servir de prétexte pour disqualifier l’entièreté du mouvement, comme c’est le cas depuis des années dans certains milieux d’extrême gauche, pourtant souvent bien moins prompts à critiquer les syndicats et les partis. Depuis Me Too, des femmes et des minorités de genre qui n’avaient jamais milité auparavant se sont politisé·e·s sur la question des VSS : plutôt que de leur reprocher de ne pas être suffisamment anti-carcéral·e·s, passons un cap en les convainquant que l’extrême droite, par sa vision du genre, des sexualités et de la famille, est notre ennemi mortel. Nos choix, nos corps, nos familles, nos vies sont en jeu. En tant que femmes, que LGBTI+, nous n’avons rien à prouver.

C’est donc tout le contraire qu’il faut faire. Il faut agir, et il faut le faire dans la démarche la plus large et unitaire possible. D’autant plus que, sous la pression de la situation, des clarifications ont lieu en accéléré. Dans le mouvement social, l’islamophobie, les attaques anti-trans, sont maintenant clairement identifiées à l’extrême droite. Parallèlement, le mirage d’un féminisme néolibéral, qui depuis les années 1980 avait fait tant de promesses, est en train de s’effondrer sous nos yeux, avec le ralliement des secteurs du capitalisme réputés « progressistes » à Trump.

Le plus marquant est sans doute celui du secteur de la Tech, avec l’exemple de Mark Zuckerberg, qui a, du jour au lendemain, mis fin à toute politique de diversité au sein de son entreprise, et tenu un discours crypto-masculiniste. Ce faisant, nous avons la démonstration éclatante que le capitalisme n’a jamais été que tactiquement et en apparence un allié des femmes et des minorités de genre.

Enfin, le mouvement féministe doit sortir de son isolement, et renforcer ses alliances. La première et la plus évidente vu le danger de l’extrême droite est bien sûr avec le mouvement antiraciste. Une autre est également d’une grande importance – celle avec les syndicats, à l’heure actuelle première organisation des travailleur·se·s. Aucune riposte contre l’extrême droite ne pourra se faire sans les syndicats. Et concernant les liens entre mouvement féministe et syndicats, beaucoup reste encore à faire.

Le dernier mouvement contre la réforme des retraites en France l’a mis dramatiquement en lumière lors du 8 mars 2023. Dans une sorte d’alignement des étoiles, non seulement le mouvement féministe l’avait tout particulièrement préparé, mais l’intersyndicale s’en était emparée pour faire du 7 et du 8 des journées de mobilisation, afin d’essayer de porter le départ en grève reconductible. Ce fut effectivement un immense succès féministe : en tout, près de 150 000 personnes ont manifesté le 8 mars dans toute la France. Mais on était très loin des 3 millions et demi de la veille… Et l’histoire a montré qu’il n’y a pas eu de départ en grève reconductible.

Les causes en sont multiples, et ont été analysées depuis, mais au-delà de ça, ce qui a très certainement joué, et que nous devons regarder en face également, c’est un manque de conviction de la part des syndiqué·e·s de la pertinence des revendications féministes, et de la grève pour le 8 mars en particulier. Ce travail reste encore très largement à faire, et c’est à nous de le porter, pour ce 8 mars, en construisant l’échéance avec les équipes syndicales, en s’en emparant pour tisser de nouvelles convergences, mais bien sûr également au-delà.

Pour cela, nous pouvons nous inspirer de la démarche de la Coordination féministe, qui a appelé à la grève féministe pour battre l’extrême droite pour le 25 janvier et le 8 mars[8]. Ce type d’initiatives doivent être prolongées dans les mois qui viennent. Nous devons bien en avoir conscience, la polarisation dans laquelle nous nous trouvons ne peut mener qu’à une chose : féminisme ou barbarie. Mais rien n’est encore écrit. En ce 8 mars 2025, même si la situation a changé, que reste-t-il de la quatrième vague féministe ?

Tout. Et pour cette raison, tout est encore possible.

Aurore Koechlin 7 mars 2025

https://www.contretemps.eu/

06 mars 2025 ~ 0 Commentaire

UKRAINE (NPA)

 

UKRAINE (NPA) dans Altermondialisme

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Avec l’Ukraine, contre le militarisme

Dans cet entretien percutant, Catarina Martins, figure de proue de la gauche portugaise et députée européenne, propose une analyse lucide qui transcende les clivages simplistes sur la guerre en Ukraine. Elle démontre comment la résistance légitime du peuple ukrainien s’inscrit dans une lutte plus large contre l’exploitation néolibérale et les intérêts des multinationales qui cherchent à profiter de la reconstruction.

Martins articule une vision de gauche cohérente qui reconnaît à la fois le droit des Ukrainiens à se défendre et la nécessité d’aller au-delà d’une réponse purement militaire. Elle expose comment les créanciers internationaux et les oligarques, tant russes qu’occidentaux, instrumentalisent la crise pour leurs propres intérêts, au détriment des travailleurs ukrainiens.

À travers son expérience au Portugal, où son parti a combattu l’austérité et défendu les services publics, elle montre qu’une autre voie est possible : celle d’une solidarité internationale basée sur la justice sociale, le logement public et la défense des droits des travailleurs. Une lecture essentielle pour comprendre comment construire une paix durable fondée sur la justice sociale.

Catarina Martins était la coordinatrice nationale du Bloc de Gauche, un parti politique socialiste démocratique au Portugal, de 2012 à 2023. Elle a été élue députée européenne lors des élections européennes de 2024 et siège au sein du groupe de la Gauche au Parlement européen — GUE/NGL. Catarina a une formation en linguistique et une carrière dans le théâtre.

Le Bloc de Gauche est l’un des initiateurs de la nouvelle coalition progressiste de gauche dans l’UE, l’Alliance européenne de la Gauche pour le Peuple et la Planète. Le parti exprime sa solidarité avec le peuple ukrainien face à l’invasion russe. En novembre 2024, Catarina Martins, accompagnée de deux autres députés européens et d’autres délégués des partis de gauche européens, s’est rendue en Ukraine. Nous nous sommes entretenus avec elle pour parler de la position de la Gauche sur l’Ukraine et de l’expérience politique portugaise, ainsi que des leçons urgentes pour notre pays dans le contexte de la crise économique.

Denys : Votre visite en Ukraine a été courte, mais très intense. Vous avez rencontré de nombreux représentants de différents mouvements de diverses sphères. Qu’est-ce qui vous a frappé lors de cette visite à Kiev ?

Catarina : J’ai beaucoup lu sur la guerre et sur la situation, donc j’avais déjà certaines informations. Mais c’est très différent quand on écoute les gens qui la vivent, car nous ne sommes pas uniquement gouvernés par la raison : il y a une partie émotionnelle. Je savais qu’il y avait beaucoup de détermination, mais c’est impressionnant quand on l’entend de personnes si différentes. J’ai rencontré des ONG qui travaillent avec le gouvernement, et j’ai rencontré des gens très critiques envers le gouvernement, et ceux qui travaillent avec le gouvernement tout en étant également critiques envers lui. Toutes ces personnes très différentes étaient déterminées à repousser Poutine. Cette détermination était vraiment impressionnante. Une autre chose qui m’est apparue était à quel point Poutine avait sous-estimé l’Ukraine.

Je savais que vous étiez déterminés, je savais que l’Ukraine était, bien sûr, une nation et que le fait qu’il y ait des Ukrainiens russophones ne signifiait pas qu’ils voulaient appartenir à la Russie. Par exemple, j’ai rencontré des gens qui défendaient que le russe était leur langue et ils m’ont dit : « Je suis un Ukrainien russophone ». L’Ukraine est une société plurilingue comme tant d’autres. Ce sont des choses que je savais avant, mais c’était différent quand j’ai entendu les gens le dire.

D’un côté, bien sûr, c’est impressionnant de voir comment l’Ukraine reste organisée tout au long de la guerre. Mais quand vous parlez à ceux qui travaillent avec les personnes déplacées, dans les soins de santé, dans le soutien en première ligne, vous voyez qu’il n’y a pratiquement pas d’État là-bas. C’est un exemple lucide des dangers du néolibéralisme, c’est clair. Prenez par exemple la situation du logement : il n’y a aucune perspective d’un programme public de logement pourtant nécessaire.

Ou un autre exemple des soins de santé : nous avons visité une association qui fait des soins palliatifs. Neuf femmes faisant un travail incroyable avec l’idée que s’il n’y avait pas elles, il n’y aurait personne. Et puis quand nous avons parlé aux infirmières, il était clair que ce n’était pas une exagération de l’ONG. C’était vraiment comme ça. Ou le processus d’évacuation en première ligne — il est principalement effectué par des ONG. Bien sûr, je comprends que les ressources de l’État sont fortement consommées par la guerre. Mais il est également évident que ces problèmes existaient même avant la guerre. L’Ukraine manque d’un État avec une structure aidant les citoyens pour les choses essentielles. C’est quelque chose que j’ai appris.

Vous représentez le Bloc de Gauche au Portugal tandis que vos collègues députés européens dans la délégation, Li Andersson et Jonas Sjöstedt, sont issus des partis de gauche nordiques. Non seulement vos forces politiques ont été assez claires à gauche dans leur soutien au peuple ukrainien dans cette guerre, mais aussi en général, tant dans les pays nordiques qu’au Portugal, si je ne me trompe pas, les sondages d’opinion montrent un niveau élevé de soutien et de solidarité envers le peuple ukrainien. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce qui se cache derrière ?

Je pense qu’il y a diverses raisons à cela. Les pays nordiques, parce qu’ils sont près de la frontière russe, et ils ont peur de la guerre. Au Portugal, je crois que c’est parce que nous avons une importante communauté ukrainienne, donc nous nous sentons très proches. Nous avons tous des gens qui sont venus d’Ukraine dans les années 90 ou maintenant. C’est la deuxième plus grande communauté au Portugal actuellement, après les Brésiliens.

Ce qui est en fait négligé par beaucoup de ceux qui affirment leur soutien à l’Ukraine, et ce qui est mis en évidence par les gens de gauche, tant en Ukraine qu’à l’extérieur de l’Ukraine, ce sont les défis sociaux et économiques auxquels le peuple ukrainien est confronté en temps de guerre. Et je pense que nous avons aussi cette expérience commune avec le cercle vicieux de la dette et le problème de la dette extérieure. Le Portugal a connu cette histoire avec la Troïka1, avec l’étouffement par les créanciers, faisant face à la pression des institutions financières internationales. La question de la dette peut-elle aider à construire une solidarité plus large entre les pays, entre les peuples qui ont été soumis à ce fardeau de la dette et au diktat de ces institutions, que ce soit l’Ukraine, le Portugal, la Grèce ou les pays d’Afrique, d’Amérique latine, d’Asie ? Que pouvons-nous faire pour construire cette solidarité ?

Je pense que la question de la dette publique et de son annulation est celle dont nous devons discuter et autour de laquelle nous devons construire la solidarité. Pour le Portugal, ce n’est pas un énorme problème maintenant comme ça l’a été, mais cela a des coûts importants. Et pour un pays qui subit la destruction de la guerre, c’est catastrophique de supporter également le coût de la dette publique. Il y a un point concernant le néolibéralisme que les gens devraient intérioriser : les créanciers prétendent aider l’Ukraine, mais en réalité ils ne le font pas. Ils font des affaires avec le malheur de l’Ukraine. Et ces accords sont payés par les contribuables et les travailleurs ukrainiens. C’est parce qu’au lieu d’un soutien explicite, une aide prétendue est utilisée une fois puis transformée en dette que l’Ukraine sera obligée de rembourser. Nous devrions faire l’inverse : contrairement à la dette que vous êtes obligé de rembourser plus tard, un soutien à grande échelle devrait être réel. L’Ukraine doit être soutenue parce que c’est important et l’annulation d’une partie de la dette en est une composante — pas l’accumulation de dettes.

Et l’autre chose est la privatisation de secteurs énormes de la reconstruction de l’Ukraine, et les intérêts multinationaux qui y sont liés. Ce n’est pas parce qu’ils [les multinationales] sont généreux, c’est parce qu’ils veulent contrôler l’Ukraine en tant qu’État avec d’immenses possibilités économiques. Votre pays est très important en raison de sa situation géographique, c’est-à-dire de vos richesses naturelles, de votre agriculture. Il y a beaucoup de raisons pour lesquelles vous êtes une très bonne affaire. L’enjeu est que vous devriez avoir un bon accord pour le peuple ukrainien, pas pour quelques entreprises multinationales. Pas pour ceux qui viennent en proclamant leurs intentions d’aider à reconstruire et qui restent ensuite pour opérer là-bas, en payant de bas salaires, en faisant ce qu’ils veulent et en drainant l’argent hors d’Ukraine.

Et évidemment, vous voyez dans ces forums internationaux qui sont consacrés à la reconstruction de l’Ukraine que tout tourne autour des investisseurs. Donc, qu’il s’agisse du capital oligarchique ukrainien ou des multinationales, tout tourne autour des affaires. On ne parle presque pas du travail, de ceux qui en Ukraine souffrent réellement et paient le coût de la guerre.

C’est pourquoi je pense que la gauche devrait également aider à l’idée de renforcer et de maintenir les biens publics de l’Ukraine. Une chose dont nous avons discuté est la nécessité de travailler ensemble sur un projet de financement du logement public en Ukraine. Si cela n’est pas fait, un constructeur européen ou américain viendra en Ukraine pour reconstruire des maisons et s’enrichir.

Ou un promoteur ukrainien, qui est probablement aussi un oligarque très corrompu.
En effet, les villes pourraient être propriétaires des maisons, pourquoi pas ? Vous avez cinq millions et demi de personnes déplacées internes. C’est vraiment impressionnant pour un pays de 40 millions d’habitants. Certains réfugiés sont à l’étranger maintenant, néanmoins il y en a environ 5 millions encore dans le pays. Et certains de ceux qui sont hors du pays pourraient vouloir revenir. Ce serait bon pour la reconstruction de l’Ukraine si certains d’entre eux revenaient. Ils ont besoin d’un endroit où vivre, donc l’Ukraine a besoin d’un programme de logement public. Vous n’avez pas besoin de remplir les poches d’une poignée de constructeurs.

En parlant du néolibéralisme et de toutes ces politiques d’austérité, le Portugal a payé l’un des pires prix en Europe après la crise de 2008. Mais au moins quand votre parti et les communistes surveillaient le gouvernement socialiste d’António Costa après les élections de 2015, c’était le gouvernement le moins néolibéral de l’UE à cette époque2.

C’était aussi le gouvernement le plus populaire que le Portugal ait eu en ce siècle. Nous avons construit des logements publics, augmenté les salaires et les retraites. Nous avons introduit le droit aux livres dans les écoles, car au Portugal les familles devaient payer les livres scolaires, donc après ce droit, elles ne le faisaient plus. En résumé, nous avons agi conformément à des politiques sociales universelles.

C’était important. Mais ensuite nous avons eu des élections, et en raison de la sympathie des gens pour le gouvernement, les socialistes ont reçu plus de votes. Ainsi, lorsque les socialistes sont devenus moins dépendants des autres forces de gauche — le Parti communiste portugais et le Bloc de Gauche — qu’ils ne l’avaient été auparavant, ils ont commencé à faire ce que tous les socialistes font autour du monde : ils ont introduit des politiques néolibérales. C’était un problème. Nous aurions dû faire beaucoup plus, mais je crois que ces quatre années ont prouvé que si vous faites quelque chose de différent, l’économie ira mieux. L’austérité n’est pas une réponse.

L’austérité ne fait qu’aggraver les problèmes.

Oui. Au Portugal, il y avait une discussion selon laquelle le salaire minimum ne devait pas être augmenté, car cela tuerait l’économie. Au contraire, nous avons augmenté le salaire minimum chaque année. Et, vous voyez, parce que nous avons prouvé que cette politique n’avait pas tué l’économie, depuis lors le salaire minimum a été augmenté chaque année au Portugal. Je ne dis pas que tout va bien : il est encore bas. Mais l’argument selon lequel nous ne pouvions pas augmenter le salaire minimum parce que l’économie ne pouvait pas le supporter : c’est un argument que personne ne pouvait plus utiliser. Nous l’avons changé, nous avons prouvé que l’austérité ne fonctionnait pas. Les salaires ont fonctionné pour l’économie.

Mais maintenant vous avez un gouvernement de droite au Portugal après les élections de 2024 qui ont également montré la montée en flèche du parti d’extrême droite Chega. Quels sont les principaux défis selon vous pour le Bloc de Gauche et pour la gauche en général au Portugal en ce moment ? Comment pouvons-nous combattre ces forces de droite ?

Nous avons un problème parce que nous avons soutenu le gouvernement du Parti socialiste qui à un certain moment a décidé de ne plus coopérer avec les forces à sa gauche. Et il n’y a pas eu un jour où tout le monde a reconnu que cela se produisait. Donc les gens associaient encore ce que le Parti socialiste a fait après 2019 [quand il ne dépendait plus du soutien parlementaire du Bloc de Gauche et a dilué ses politiques sociales] avec la gauche. Avec le COVID et l’inflation post-2019, le gouvernement socialiste a décidé de maintenir les taux de déficit bas comme priorité principale. Ils n’ont fait aucun investissement dans les services publics, donc ces derniers se sont beaucoup affaiblis à cause de l’inflation. Puis le COVID, et toujours pas d’investissement. C’était une décision terrible. En même temps, le travail n’était pas non plus aussi protégé par la loi qu’il aurait dû l’être. Donc, les entreprises n’ont pas augmenté les salaires comme elles auraient dû le faire face à l’inflation. Au final, les gens ont associé ce manque d’investissement dans les services publics, et la façon dont leurs salaires n’ont pas suivi l’inflation avec les politiques de gauche. Mais ce n’était pas les forces de gauche. C’était un parti socialiste faisant la même chose que ce que les partis de droite avaient fait à travers l’Europe. Par conséquent, les gens ont cessé de soutenir ce qu’ils percevaient comme des politiques de gauche et ont commencé à faire confiance à la droite, espérant qu’elle pourrait apporter des changements.

Et donc nous avons maintenant un gouvernement de droite qui gagne du terrain. Nous avons une droite montante, mais cela a probablement à voir avec ces déceptions et ces espoirs, ainsi qu’avec le moment international. Je crois que ces espoirs se révéleront malheureusement faux. Tout cela est difficile, car les forces de droite sont bien financées. De plus, il y a une communication entre elles sur la scène internationale qui va de Bolsonaro à Poutine et Trump. Et bien sûr, le Portugal a des liens solides avec le Brésil. Tout cela rend la situation difficile et compliquée. Au Portugal, comme dans d’autres pays, les partis de droite gagnent des voix en s’appuyant sur des mensonges et sur des politiques destructrices.

Je crois que la gauche doit avoir de bonnes idées solides pour la classe ouvrière. Précisément pour la classe ouvrière telle qu’elle est. Parce que la classe ouvrière n’est pas uniquement composée d’hommes blancs hétérosexuels, mais plutôt de toute la diversité. Les femmes, les travailleurs non-blancs et immigrants sont plus exploités que tous les autres. Sachant cela, la gauche doit avoir des idées mobilisatrices efficaces qui, je crois, seront centrées sur l’inflation et les salaires. Aussi le logement, parce que ce n’est pas seulement l’Ukraine qui a un problème de logement. Je ne compare pas. Bien sûr, votre situation est différente, mais la tendance pénètre l’Europe : les gens ne peuvent pas se permettre une maison avec les salaires qu’ils gagnent.

Le Portugal était l’un des rares pays d’Europe qui n’avait pas de parti d’extrême droite ouvertement présent au parlement. Il semble qu’après la Révolution des Œillets qui a renversé la dictature de droite dure, ces idées ont été complètement discréditées, même parmi ceux de droite qui ont commencé à se nommer sociaux-démocrates comme le PSD. Alors que s’est-il passé, comment ces idées sont-elles devenues plus tolérables et l’extrême droite a-t-elle gagné une telle popularité ?

C’est un mélange de deux facteurs. Bien sûr, il y a des jeunes qui sont très éloignés des débats antifascistes, et ils sont très influencés par les réseaux sociaux. Particulièrement les jeunes garçons qui subissent l’influence du contenu propageant une masculinité toxique. C’est terrible. Mais ce qui est plus important, c’est que nous avons toujours eu ces figures de droite au Portugal, elles n’avaient simplement pas de parti. Et puis, le parti est apparu, donc ce public a gagné une force politique pour laquelle voter. Ils ont toujours été là, les racistes et les misogynes, se cachant dans certains partis conservateurs et partis traditionnels de droite. Parmi eux, même ceux qui ont la nostalgie de la dictature, de l’idée de l’Empire colonial portugais. Cela a toujours existé, bien qu’il n’y ait pas eu de parti pour les représenter. Maintenant, la scène internationale a fourni les moyens pour une construction de parti.

Il y a des gens qui font des comparaisons entre le Portugal de Salazar et la Russie moderne. Vous avez donc eu un dictateur de droite vieillissant, déconnecté de la réalité, essayant de mener des guerres coloniales pour préserver l’empire. Que pensent les gens au Portugal en général de la nature du régime russe ? Parce qu’il semble qu’au moins dans ce Parti communiste portugais suranné, beaucoup de gens pensent encore que la Russie est une sorte d’héritière de l’Union soviétique et que c’est encore une force antifasciste réelle.

Je ne pense pas qu’ils voient la vraie image. Je suis très critique sur la façon dont le Parti communiste traite ces choses. Ce qu’ils croient, c’est le monde divisé. Vous avez l’impérialisme nord-américain qui est très fort, qui a des moyens économiques et militaires qu’aucune autre force n’a sur notre planète, et c’est vrai. Et donc ce qu’ils croient, c’est que les forces qui sont contre l’impérialisme nord-américain peuvent donner une sorte d’équilibre. Je pense que c’est faux, parce que la Russie aujourd’hui est un capitalisme agressif et néolibéral avec des objectifs impérialistes, tout comme la Chine. Au Portugal, je pense qu’il est bon de rappeler que les grands alliés de Poutine sont toujours de droite.

La droite a créé le système des visas dorés que les oligarques utilisent pour obtenir la citoyenneté dans les pays de l’UE. C’étaient les ministres de droite qui sont allés en Russie dans le but de vendre ces visas dorés à l’oligarchie. Donc n’oubliez jamais que les vrais liens avec Poutine sont maintenus par la droite et, bien sûr, l’extrême droite. Par exemple, André Ventura de l’extrême droite Chega a une grande amie Marine Le Pen qui en une seule année a reçu un prêt de 9 millions d’euros de Poutine pour faire une campagne. Ou Salvini portant un t-shirt avec le visage de Poutine. N’oublions pas qui sont leurs amis.

Mais je suppose aussi que l’histoire traumatique suivante joue son rôle : que la dictature portugaise était un membre fondateur de l’OTAN et que les États-Unis soutenaient en fait les guerres coloniales que le Portugal menait.

C’est la raison pour laquelle il est très dangereux que quelqu’un croie que l’OTAN a quelque chose à voir avec la démocratie. Ce n’est pas le cas. Par exemple, l’OTAN a des pays qui suppriment la démocratie, comme la Turquie. Ceux qui freinent l’autodétermination des peuples : pensez aux Kurdes. L’OTAN a bombardé des pays contre le droit international sans aucune justification, les États-Unis en tant que force dirigeante ont menti sur les armes de destruction massive en Irak. Oui, le Portugal était membre fondateur de l’OTAN quand nous étions sous la dictature et néanmoins nous avions des guerres coloniales. Donc ce n’est pas une question de démocratie mais d’influence nord-américaine dans le monde. Je pense que tout le monde doit comprendre que l’OTAN est votre ami tant que vos intérêts s’alignent sur ceux des États-Unis. Sinon, l’OTAN pourrait attaquer.

Je pense qu’il faut être prudent quand les gens croient que l’OTAN est une bonne force démocratique qui défend la démocratie. Même les pays qui ont la démocratie utilisent l’armée principalement pour des raisons économiques et géostratégiques. Ils ne l’utilisent pas à des fins de démocratie. Si c’était le cas, l’OTAN serait en Israël pour sauver les Palestiniens. Est-elle là-bas ?

Et je pense que l’histoire des Kurdes syriens au Rojava était très révélatrice de la façon dont les États-Unis les ont abandonnés après qu’ils ont effectivement sauvé la région de l’EI.

C’était un bon exemple parce que les Kurdes étaient alliés de l’OTAN et quand cette dernière n’avait plus besoin d’eux, ils les ont simplement laissés tomber. En effet, les Kurdes syriens sont dans une position extrêmement mauvaise actuellement, étant attaqués de tous côtés. Personne ne les défend3.

Quand nous revenons à cette situation générale, vous représentez ces courants dans la gauche internationale qui reconnaissent effectivement les dangers de chaque impérialisme. Récemment, le Bloc de Gauche a été l’un des initiateurs de la nouvelle Alliance européenne de la Gauche pour le Peuple et la Planète. Parlez-moi de cette initiative et si vous voulez étendre l’union des forces à travers l’Europe ou peut-être au-delà de l’Europe, y compris le Mouvement Social/Sotsialnyi Rukh en Ukraine. Que pensez-vous des perspectives de cette nouvelle alliance ?

Nous ne sommes qu’au début et nous devons discuter et élargir. Cela ne fait que commencer. Je vous ai dit que la gauche a besoin d’un projet pour les travailleurs dans leur diversité, et c’est aussi quelque chose que nous avons en commun dans la nouvelle alliance. Parce que nous reconnaissons que la lutte anticapitaliste et antinéolibérale est en même temps féministe et antiraciste aussi. Alors que nous n’avons pas non plus de double standard concernant l’état de droit international et les droits humains.

Tout cela est très important dans le cas des questions environnementales et climatiques. L’un des énormes problèmes pour la sécurité des populations à travers le monde est que les gens continuent à ne rien faire concernant le climat. Et actuellement au Portugal — mais aussi en Espagne — tant de gens sont morts à cause du climat.

Le processus de formation de la nouvelle union de gauche n’a pas commencé non plus à cause de l’Ukraine ou de la Palestine. Nous travaillions ensemble sur toutes ces questions avant. Mais sans doute les nouvelles escalades sont l’une des questions importantes. Pas de double standard ! Je crois que nous pouvons avoir la gauche partageant des projets communs, parce qu’aujourd’hui, chaque gouvernement et chaque pays doit faire mieux.

Notre lutte est à la fois internationale et européenne. Ainsi, nous devons articuler nos luttes et nos forces pour avoir des projets mobilisateurs qui peuvent vaincre l’extrême droite et apporter l’espoir. Parce que la démocratie est une question d’espoir, c’est l’idée que vous pouvez construire quelque chose ensemble. L’extrême droite et les néolibéraux vivent de la peur : soit vous acceptez tout, soit ça deviendra pire. Donc, nous avons besoin d’un espace pour la gauche active dans la société, ayant des projets et des campagnes communes qui apporteraient l’espoir. C’est exactement ce que nous voulons faire.

Nous avons sept membres de parti pour l’instant, et donc nous commençons avec ça. Je pense que nous devrions avoir des membres observateurs qui pourraient être extérieurs à l’Union européenne. Par observateurs, je veux dire qu’ils n’ont pas à être des partis mais peuvent être aussi des mouvements. Je crois qu’un dialogue avec la gauche en Ukraine, qui est très important, est également nécessaire. Je pense que peut-être nous pouvons commencer à travailler avec le Mouvement Social en Ukraine. Voyons comment cela se passe. Cela vient juste de commencer mais je pense que ce serait très important.

Merci beaucoup. Peut-être avez-vous quelques remarques de conclusion. Souhaitez-vous adresser quelque chose aux Ukrainiens ?

Nous n’avons pas parlé des armes. Pour moi, c’est normal de savoir que la gauche a différentes positions sur les armes. Mais je crois que tout le monde reconnaît que l’Ukraine a le droit de résister à l’agression et de se défendre.

Et c’est important. On ne peut pas résister sans armes. Je pense qu’une autre discussion est de savoir si nous nous concentrons uniquement sur les armes ou si nous utilisons aussi les moyens financiers et diplomatiques pour arrêter la guerre. Prenez par exemple le problème de la flotte fantôme qui exporte toujours du carburant. Le manque de pression financière et d’efforts diplomatiques est problématique car au final il y a des généraux qui ne parlent que d’armes pour l’Ukraine et ne parlent de rien d’autre. Pourtant ce ne sont pas eux qui meurent.

Je crois qu’il est important de soutenir l’Ukraine, mais aussi de s’opposer à l’idée qu’on ne devrait avoir aucun projet contribuant à la fin de la guerre excepté concernant les armes. Parce qu’au final l’Ukraine sera totalement détruite, et quelqu’un aura gagné beaucoup d’argent en vendant des armes. Je suis sûre qu’il est vraiment important d’arrêter la guerre et cela présuppose également des sanctions et d’autres politiques. Cela doit être.

Et finalement, c’est aussi une question de donner du pouvoir à l’Ukraine en interne. Rendre l’économie ukrainienne équitable.

Oui, bien sûr. Les Ukrainiens prennent les décisions de ce qu’ils veulent faire de leurs vies. Les Ukrainiens doivent décider ce qu’ils veulent faire. Et je crois que les Ukrainiens devraient avoir leur mot à dire sur ce qu’ils veulent pour leur avenir.

Interview par Denys Pilash, traduction Adam Novak pour ESSF.

5 mars 2025  Catarina Martins

https://inprecor.fr

06 mars 2025 ~ 0 Commentaire

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